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jeudi, 04 mars 2021

Un Dix-Huit Brumaire et un Coup d'Etat légal en Italie

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Un Dix-Huit Brumaire et un Coup d'Etat légal en Italie

Wernerius von Lothringen

Lorsque le Président de la République italienne s'adressa aux partis politiques italiens le 3 février 2021, dans le but de former un gouvernement à majorité parlementaire assurée, faisant appel à Mario Draghi comme  Président désigné du Conseil des Ministres, il ne savait pas encore qu'il aurait enclenché un processus de recomposition institutionnelle,  conduisant  à un Coup d'Etat légal.

En effet pour le Chef de l'Etat , la République c'était le Parlement et non pas le pays réel, c'était la fiction de la représentation politique  et non pas l'opinion .Le cap de la boussole historique était la Constitution républicaine et non pas le peuple , la légalité et non pas sa présomption.                                                                                                      

La droite eut beau de faire appel désespérément aux élections,pour mettre en accord légalité et légitimité,représentation et volonté populaire.

La décision du Président de la République affirma légalement le contraire. Légalement mais pas légitimement.

Le Président avait-il prévu que  l'interférence continue de la légalité et de la légitimité, aurait favorisé la transformation de la fonction  du Président du Conseil désigné, en figure consulaire ? L'investiture de ce garant de la dernière chance de la politique italienne  était bien et sans nuance  celle du Sénat de Rome dans les temps sombres de la république romaine, lorsque tombait l'épée de Damoclès sur la sécurité et la perspective de conflit aux portes: "Caveant Consules ne Respublica détrimenti capiat!". Or le Rubicon avait été franchi et dans le ballet des vas et vient des consultations ils ne manquaient que les toges immaculées des sénateurs!

Dans l'arène affolée des nouveaux convertis à la catéchèse du Salut et à son César,  le rôle du procureur des moeurs anciennes , le rôle de Cicéron,  était assuré par un femme, Giorgia Meloni, dans la fonction catilinaire de dissidente et de tribun du peuple.

Elle y assurait la voix de l'opposition et de la démocratie, en solitaire , dans un Parlement devenu soudainement docile et servile, mais globalement  épaté et hostile .

Une voix patriote, anti-unanimiste et de droite qui sera insultée, invectivée et humiliée par un professeur universitaire de gauche, assurant la profondeur de la haine de classe, dans une institution d'enseignement supérieur, publique, laïque et pluraliste. Cette institution  comme les assemblée d'étudiants et la rue en révolte,étaient aux mains, depuis 68, d'une contestation endémique, devenue post-coloniale.

La situation politique grave, d'émergence, anti-politique et insurrectionnelle de l'Italie était semblable à celle d'Espagne, de  France ou du Danemark. Guerrilla urbaine, caillassages, incendies, pillages, vols de masse . Une situation avortée, grâce à Dieu  d'un révolution improbable.

Il manquait le parti révolutionnaire, les révolutionnaires de profession, la volonté d'en finir avec le système et faisait défaut, en particulier,  l'Homme providentiel. Manquait également  la haine instinctive du peuple et la résurgence des sentiments et des préjugés des "larges masses" contre l'Etat.

En fait la défense de l'Etat était assurée par des mesures de police et guère par l'armée, car les problèmes qui étaient posés étaient ceux de la classe politique et pas du pouvoir institutionnel, de la liberté et de la tyrannie .

Les Black- Blocs n'étaient pas l'expression du peuple de souche ,mais de fauteurs de désordre et de chaos, immigrés et déracinées, inintégrables et dangereux. Ils n'avaient rien d'autre à proposer que de la destruction, de la négation et du nihilisme.

La grande nouveauté, c'était, en revanche, la variété de la protestation et l'hétérogénéité de la représentation politique, verbeuse et fragmentée.

Le paradigme du changement n'était plus l'espoir mais le retour à la légalité trahie. C'est pourquoi César et le Chef de l'Etat incarnaient l'avenir du pays et celui du menu peuple.

Le Thermidor de Draghi n"était pas encore là et Lucien Bonaparte ou Sieyès, ne tissaient nullement les ficelles de l'intrigue, derrière le calme apparent de Draghi-Napoléon.

Les petits Bolchéviks de la Ligue et les infimes Menchéviques libéraux-démocrates de  feu le Mouvement 5 Etoiles ne pouvaient préfigurer une insurrection ni une alternative à César, car les réformes du Conte-Kerenski ne pouvaient aller plus loin que les plans de Soros-Bill Gates ou Klaus Schwab de Davos, dans la réinitialisation de l'économie, finalement verte et universelle.

Une économie qui devait  correspondre aux prêches de Greta Thunberg et des coalitions sexiste  LGBT, transgenres, islamo-gauchistes, des groupes progressifs Rock et des mouvements Stormy Six, Komintern, Univers Zéro et post-coloniaux divers.

Une solution inédite en somme , national-globaliste, qui avait  intégré le souverainisme anti-européiste antérieur, rélégant Mattéo Renzi à un rôle de comédien, mode Trotski, condamné à une répétition de sa  ''Révolution permanente" et promu à une fuite en avant sans fin, destinée à s'éteindre à Mexico, par la main violente d'un vrai démocrate.

Le parti fantôme de Zingaretti, qui pensait à exister, après la "guerre ( partisane) de tous contre tous" retarda le Dix-Huit Brumaire de Draghi dans l'attente de l'élection césariste du premier Consul à substitut du Président Mattarella.

D'ici là, quelles seraient les "Ides de Mars " et qui en  sera le Brutus ?

Les tendances, les trois forces et leurs issues

Au delà de l'actualité immédiate, en quoi le "Dix Huit Brumaire" et  le "Coup d'Etat parlementaire" de Mattarella -Draghi ont ils débouchés? Quelles tendances coexistent-elles au sein de la formule politique italienne , susceptible de constituer un modèle inédit ? Et, in fine,  qui et quelle force politique s'imposeront ils?

On peut, grosso modo, identifier dans le "Gouvernement d'urgence" de Draghi trois grandes forces et trois grandes issues possibles:

- Une formule euro-césariste à la de Gaulle, très longtemps renvoyée, à caractère national-globaliste (réformes+management + démocratie restreinte+ unanimisme décisionnel + ''protagonisme européiste'')

-Une modernisation anti-bureaucratique à l'italienne (modèle de Gènes, décentralisation régionale et recentralisation nationale essentielle)

- Un status-quo amélioré (assistentialisme + destruction créatrice + subordination bruxelloise et globaliste)

La première comporterait un appui de la droite européiste et de la Ligue,  en faveur du travail et d'une ré-industrialisation technologique d'avenir, surtout au Nord du pays .

La deuxième, un rééquilibrage entre Régions et Etat et une accalmie des classes moyennes sur-taxées.

La troisième une subordination accrue à l'Union Européenne, désagrégée et sans projet, faisant de l'Italie un pays intermédiaire entre les zones développées et le Tiiers et Quart-monde; en compagnie de l'Espagne socialiste et de la France déclassée, au sein d'une Union européenne au Leadership solitaire et aggravé de l'Allemagne et des pays du Nord de l'Union.

Le Dix-Huit Brumaire du Premier Consul tranchera entre ces tendances et fera là un toilettage de l'esprit, influençant les coups d'Etats post-modernes.

Bruxelles le 2 mars 2021.

mercredi, 03 mars 2021

L'Amérique est de retour : Biden bombarde comme Trump

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L'Amérique est de retour : Biden bombarde comme Trump

par Alberto Negri & Tommaso Di Francesco

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

Biden, personnage emblématique de certains des échecs internationaux des démocrates pendant les années Obama, accueille le pape en Irak en bombardant les milices chiites en Syrie. Un voyage au cours duquel le Pape Bergoglio devrait rencontrer le grand ayatollah Sistani qui, en 2014, a donné sa bénédiction aux milices chiites pour mener la lutte contre les coupeurs de têtes de l’Etat islamique.

Bien sûr, le monde est étrange. L'"espoir démocratique", le catholique Joe Biden, exactement comme Donald Trump, court aux armes et bombarde la Syrie, à la veille de la visite du pape en Irak le 5 mars. Un voyage au cours duquel le pape François devrait également rencontrer la plus haute autorité religieuse irakienne, le grand ayatollah Ali Sistani, qui en 2014 avait donné sa bénédiction aux milices chiites pour mener la lutte contre les coupeurs de têtes de l’Etat islamique, milices qui ont joué un rôle essentiel dans la libération de Mossoul, ville martyre musulmane et chrétienne que le pape devrait visiter dans quelques jours dans le cadre de sa mission en Irak.

Aujourd'hui, les raids américains risquent de nous démontrer voire de nous avertir urbi et orbi que le climat ne doit pas être exactement celui de la paix dans la région. Le monde est en effet étrange : l'ordre du jour ne devrait pas inscrire la guerre dans sa convocation mais plutôt l'urgence sanitaire vu le Covid 19. Et puis Biden n'a pas encore pris conscience du désastre de la démocratie américaine assaillie par des "terroristes internes" - comme il les a appelés - qui ont fait des ravages au Congrès. Le voilà qui commence déjà à se décharger de la crise interne en "exportant" la démocratie par les armes.

Cette fois, Biden frappe un peu au hasard, même s'il a tué plus de vingt personnes appartenant aux milices pro-chiites, celles qui ont soutenu Assad et le gouvernement irakien dans les opérations militaires qui ont conduit à la défaite du califat, qui est toujours dangereusement en action aux frontières entre la Syrie et l'Irak. L'année dernière, c'est Trump qui a frappé au Moyen-Orient en tuant le général iranien Qassem Soleimani à Bagdad, maintenant c'est Biden : mais on pouvait s'y attendre de la part d'un président qui, en 2003, a voté pour l'attaque de Bush Jr. contre l'Irak .

Biden est un type contradictoire. D'un côté, il souhaite reprendre les négociations avec Téhéran sur l'accord nucléaire de 2015 voulu par Obama et annulé par Trump en 2018, mais dans le même temps, il bombarde les alliés de l'Iran coupables, selon les Américains, de frapper leur base militaire en Irak et l'aéroport d'Erbil au Kurdistan irakien. Bien sûr, tout se passe sans la moindre preuve. Mais cela aussi fait partie de la "double norme" imposée au Moyen-Orient : les Américains et les Israéliens n'ont rien à prouver, ce qu'ils font est toujours juste.

C'est une bonne chose que Biden se soit présenté aux Européens comme le champion du multilatéralisme et des droits de l'homme en s'attaquant à la Russie et à la Chine : avec ces prémisses, il devrait au moins tuer par le truchement d’un drone le prince saoudien Mohammed bin Salman puisque, selon la CIA, celui-ci est derrière le meurtre du journaliste Khashoggi. Et pendant que nous attendons - mais cela va-t-il vraiment arriver ? - le rapport de la CIA qui le prouve, il y a des nouvelles d'un appel téléphonique "d'adoucissement" de Biden au roi Salman, pendant la nuit, sur les crimes de son fils et héritier.

Le Pacte d'Abraham entre Israël et les monarchies du Golfe, auquel le nouveau président, tout comme Trump avant lui, tient tant, pèse sur les bonnes intentions de Biden. Et on ne peut pas cacher le fait que Biden est l'une des figures emblématiques de certains des échecs internationaux des démocrates pendant les années où Obama, Hillary Clinton et Kerry ("M. Climat") tenaient les rênes du pouvoir aux Etats-Unis, alors qu'il était un vice-président connu surtout pour ses gaffes.

La preuve vivante de ces échecs est son propre homme fort, le général Lloyd J. Austin, l'actuel chef du Pentagone qui s'est dit hier confiant "que nous avons bien fait de frapper les milices chiites" qui, elles, nient toute implication dans les frappes en Irak. Devant le Sénat en 2015, le général Austin, alors commandant du CENTCOM, le commandement militaire du Moyen-Orient, a admis avoir dépensé 500 millions de dollars pour former et armer seulement quelques dizaines de miliciens syriens sur les 15.000 prévus pour combattre l’Etat islamique, qui, lui, s'est approprié toutes ces précieuses armes américaines.

Austin a également témoigné que le plan dit Timber Sycamore, géré par la CIA et doté d'un milliard de dollars, visant à évincer Assad du pouvoir, avait été lancé en Jordanie, puis décimé par les bombardements russes et annulé à la mi-2017.

Le général Austin a soulevé l'irritation et l'hilarité des Américains en découvrant une série d'échecs épouvantables dignes d'une république bananière. Mais il n'y a pas de quoi rire quand on pense à toutes les catastrophes que les États-Unis ont provoquées dans la région. Par exemple, la décision de retirer le contingent américain d'Irak : après avoir détruit un pays par des bombardements et par l'invasion de 2003 pour renverser Saddam Hussein - provoquant la fuite de millions d'êtres humains. Rappelons que cette invasion s’est déclenchée sur base de mensonges propagandistes concernant les armes de destruction massive de l'Irak. Washington a abandonné ce pauvre pays à son sort, sachant pertinemment qu'il n'avait pas les moyens de se débrouiller seul. Austin a suivi la politique d'Obama et de Clinton.

En 2014, l'Irak est submergé par la montée du califat qui, après avoir occupé Mossoul, la deuxième ville du pays, s'apprête à prendre également Bagdad : l'armée irakienne est en plein désarroi et c'est le général iranien Qassem Soleimani, avec des milices chiites, qui sauve la capitale. Et Soleimani a été tué par un drone américain à Bagdad. Pire encore : ce qui s'est passé en Syrie après le soulèvement de 2011 contre Assad. La guerre civile s'est rapidement transformée en guerre par procuration et les États-Unis, dirigés alors de facto par Hillary Clinton, ont donné le feu vert à Erdogan et aux monarchies du Golfe, dont le Qatar, pour soutenir les rebelles et les djihadistes qui étaient censés faire tomber le régime.

On sait comment cela s'est passé : les djihadistes ont envahi la Syrie puis ont inspiré plusieurs attentats à travers l'Europe mais Assad est toujours en place avec le soutien de l'Iran et surtout de la Russie de Poutine, entrée en guerre le 30 septembre 2015 en bombardant les régions de Homs et Hama. Quelques heures auparavant, Obama avait marqué son accord pour que Poutine agisse en Syrie en le rencontrant en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York.

Dans cette histoire tissée de ratés, Biden a joué un rôle, même s'il ne fut pas le premier dans le spectacle: aujourd'hui, en Syrie, il joue à la fois le rôle du canardeur tout en accueillant le pape en claironnant un bruyant "bienvenue au Moyen-Orient".

La dangereuse stratégie USA-OTAN en Europe

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La dangereuse stratégie USA-OTAN en Europe

Par Manlio Dinucci

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

L'exercice OTAN Dynamic Manta de lutte anti-sous-marine se déroule en mer Ionienne du 22 février au 5 mars. Des navires, des sous-marins et des avions des États-Unis, d'Italie, de France, d'Allemagne, de Grèce, d'Espagne, de Belgique et de Turquie y participent. Les deux principales unités participant à cet exercice sont un sous-marin d'attaque nucléaire américain de la classe Los Angeles et le porte-avions français à propulsion nucléaire Charles de Gaulle et son groupement tactique, qui comprend également un sous-marin d'attaque nucléaire. Le Charles de Gaulle, immédiatement après, se rendra dans le golfe Persique.

L'Italie, qui participe à Dynamic Manta avec des navires et des sous-marins, est le "pays hôte" de l'ensemble de l'exercice : elle a mis à la disposition des forces participantes le port de Catane et la station d'hélicoptères de la marine à Catane, la base aéronavale de Sigonella (la plus grande base US/OTAN en Méditerranée) et la base logistique d'Augusta pour l'approvisionnement. Le but de l'exercice est de chasser les sous-marins russes en Méditerranée qui, selon l'OTAN, menacent l'Europe.

Ces mêmes jours, le porte-avions Eisenhower et son groupe de combat mènent des opérations dans l'Atlantique pour "démontrer le soutien militaire continu des États-Unis aux alliés et leur engagement à maintenir les mers libres et ouvertes". Ces opérations - menées par la sixième flotte, dont le commandement est à Naples et la base à Gaeta - s'inscrivent dans la stratégie énoncée notamment par l'amiral Foggo, ancien chef du commandement de l'OTAN à Naples : accusant la Russie de vouloir couler les navires reliant les deux côtés de l'Atlantique avec ses sous-marins, afin d'isoler l'Europe des États-Unis, il soutient que l'OTAN doit se préparer à la "quatrième bataille de l'Atlantique", après celles des deux guerres mondiales et de la guerre froide.

Pendant que des exercices navals sont en cours, des bombardiers stratégiques B-1, transférés du Texas à la Norvège, effectuent des "missions" à proximité du territoire russe, avec des avions de chasse F-35 norvégiens, pour "démontrer l'état de préparation des États-Unis et leur capacité à soutenir leurs alliés".

Les opérations militaires en Europe et dans les mers adjacentes sont menées sous le commandement du général Tod Wolters, de l'armée de l'air américaine, qui est à la tête du Commandement américain en Europe et en même temps de l'OTAN, le poste de commandant suprême des forces alliées en Europe revenant toujours à un général américain.

Toutes ces opérations militaires sont officiellement motivées par la "défense de l'Europe contre l'agression russe", inversant la réalité : c'est l'OTAN qui s'est étendue en Europe, avec ses forces et ses bases, y compris nucléaires, derrière la Russie. Lors du Conseil européen du 26 février, le secrétaire général de l'OTAN, M. Stoltenberg, a déclaré que "les menaces auxquelles nous étions confrontés avant la pandémie sont toujours là", mettant en avant "les actions agressives de la Russie" et, en arrière-plan, une menace de "montée de la Chine".

Il a ensuite souligné la nécessité de renforcer le lien transatlantique entre les États-Unis et l'Europe, comme le souhaite vivement la nouvelle administration Biden, en faisant passer la coopération UE-OTAN à un niveau supérieur. Plus de 90 % des habitants de l'Union européenne, a-t-il rappelé, vivent aujourd'hui dans des pays de l'OTAN (dont font partie 21 des 27 pays de l'UE). Le Conseil européen a réaffirmé "l'engagement de coopérer étroitement avec l'OTAN et la nouvelle administration Biden en matière de sécurité et de défense", rendant ainsi l'UE militairement plus forte.

Comme l'a souligné le Premier ministre italien Mario Draghi dans son discours, ce renforcement doit se faire dans un cadre de complémentarité avec l'OTAN et de coordination avec les États-Unis. Le renforcement militaire de l'UE doit donc être complémentaire de celui de l'OTAN, qui, à son tour, est complémentaire de la stratégie américaine. Elle consiste en fait à provoquer des tensions croissantes en Europe avec la Russie, de manière à accroître l'influence des États-Unis dans l'Union européenne elle-même.

Un jeu de plus en plus dangereux, car il pousse la Russie à se renforcer militairement, et de plus en plus coûteux. Ceci est confirmé par le fait qu'en 2020, au plus fort de la crise, les dépenses militaires italiennes sont passées de la 13e à la 12e place dans le monde, dépassant ainsi celles de l'Australie.

mardi, 02 mars 2021

Occident/Russie : déconnexion totale

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Occident/Russie : déconnexion totale

par Alain RODIER

Ex: https://cf2r.org

Les néoconservateurs américains, suivis par leurs homologues européens, ont gagné. Il semble que les liens entre l’Union européenne et la Russie sont désormais bien coupés. Il reste bien le projet North Stream II, qui doit approvisionner l’Allemagne en gaz russe, mais nul doute que les lobbies vont tenter de le torpiller en imposant des sanctions aux entreprises qui y participent. Résultat, l’Allemagne risque de finir par être dépendante des énergies ayant reçu le blanc-seing des écologistes radicaux. En résumé, fourniture d’électricité par les centrales au charbon, appel au gaz de schiste américain et à divers apports extérieurs dont le nucléaire français.

L’inflexion de la politique étrangère américaine

Il convient de constater que la nouvelle administration en place à la Maison-Blanche applique la maxime : « America is back ! ». En attendant de s’attaquer au « dur » de sa politique étrangère – les relations avec la Chine et l’Iran -, Joe Biden a en tout cas trouvé là un slogan censé rompre avec son prédécesseur et indiquer la marche à suivre pour les prochaines années. Il convient que les États-Unis soient à nouveau « prêts à diriger le monde, pas à s’en éloigner, prêts à affronter nos adversaires, pas à rejeter nos alliés, et prêts à défendre nos valeurs. ».

Le programme est le suivant : le retour à l’ordre international tel que les États-Unis l’ont défini au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. À la doctrine du désengagement de guerres au faible rapport coût/efficacité voulue par Donald Trump, Biden propose une ancienne doxa modifiée à l’aune des « valeurs » progressistes dont il s’est fait le champion lors de sa campagne : le monde se porte mieux quand l’Amérique en assume la direction. Plus néoconservateur, on ne fait pas ! En premier lieu, il a pris le contre-pied de l’alliance passée par son prédécesseur avec l’Arabie saoudite emmenée par le prince Mohammed Ben Salman. La décision la plus spectaculaire a été le gel des livraisons d’armes à Riyad, engagé dans une longue guerre contre les insurgés houthis au Yémen. Il s’agit de « faire en sorte que les ventes d’armes par les États-Unis répondent à nos objectifs stratégiques » a souligné un porte-parole du département d’Etat, tout en qualifiant cette mesure de « routine administrative typique de la plupart des transitions. » le nouveau président a toutefois réaffirmé, le 26 janvier dernier, l’engagement de Washington « à aider notre partenaire, l’Arabie saoudite, à se défendre contre les attaques sur son territoire. » C’est que derrière l’effet d’annonce, le montage diplomatique bâti par Trump autour de la reconnaissance d’Israël et incluant désormais les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan, mérite probablement d’être prolongé. D’autant plus que les Russes sont embuscade en mer Rouge, région éminemment stratégique où ils font les yeux doux au Soudan afin de trouver un point d’appui pour leur flotte.

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Joe Biden a également décidé de prendre le contre-pied de son prédécesseur concernant l’OTAN et, en particulier concernant la présence militaire américaine en Allemagne. Trump, qui avait de mauvaises relations avec la chancelière Angela Merkel, avait annoncé en 2020 vouloir diminuer d’environ 9 000 hommes ce contingent qui compte près de 35 000 militaires. Cette décision avait été présentée comme une sanction envers Berlin – mais aussi indirectement à l’encontre des autres pays membres de l’OTAN – accusé de ne pas mettre assez la main à la poche.

Le retour de l’« ennemi » russe

Surtout, Joe Biden semble décidé à remettre les pendules à l’heure avec la Russie suspectée d’ingérences multiples, lors des élections américaines et dans bien d’autres pays. Ce n’est pas le retour à la Guerre froide mais cela y ressemble furieusement avec une nuance que ne soulignent généralement pas les experts : le Kremlin ne veut plus envahir l’Europe pour la convertir au marxisme-léninisme. Pour Washington, le temps des « indulgences » est fini. Lors de son premier appel à Vladimir Poutine, Biden n’a pas hésité à aborder les sujets qui fâchent : le sort de l’opposant Alexeï Navalny et de ses partisans, le piratage d’institutions fédérales américaines, les récompenses offertes aux talibans afghans tueurs de soldats américains – selon des informations dont une partie est, au moins sujette à caution. Il y est même allé d’un avertissement à peine voilé : « J’ai clairement dit au président Poutine, d’une façon très différente de mon prédécesseur, que le temps où les Etats-Unis se soumettaient face aux actes agressifs de la Russie, l’ingérence dans nos élections, les piratages informatiques, l’empoisonnement de ses citoyens, est révolu. Nous n’hésiterons pas à en augmenter le coût pour la Russie et à défendre nos intérêts vitaux et notre peuple ». Ce discours est à l’évidence à usage interne car il n’a aucune chance d’être entendu puisque, pour les responsables russes, l’agresseur, c’est Washington.

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Les médias pro-Biden – en particulier européens – ont applaudi, insistant beaucoup sur le soutien apporté aux « démocrates » russes. Vladimir Poutine a, comme d’habitude, gardé son calme, préférant se féliciter d’un accord ouvrant possiblement l’extension pour cinq ans du dernier traité de réduction des arsenaux nucléaires (New START), mais rien n’est encore signé : « Prenons d’abord connaissance de ce que les Américains proposent et nous ferons ensuite un commentaire » a tempéré, le porte-parole du président russe. Il sait qu’en dépit de l’enthousiasme quasi unanime affiché lors de la victoire de Biden, nombre d’Européens ne sont pas encore totalement soumis à Washington.

Plus grave encore, il semble, selon Moscou, que les néoconservateurs ont décidé d’exploiter l’affaire Navalny dans l’ambiance explosive crée par la pandémie de la Covid-19. Ces derniers espèrent, en jetant des milliers de manifestants dans la rue – chiffres pour le moment invérifiables -, provoquer une situation de chaos en Russie, dans le but de renverser le pouvoir en place qui ne leur convient pas car il n’est pas « aux ordres ». Cette manière de procéder est loin d’être nouvelle pour les États-Unis qui prennent toujours garde d’intervenir par proxiesinterposés.

La Russie est ainsi redevenue, que l’on le veuille ou non, l’« ennemi conventionnel » suite aux mesures prises par Washington.

Selon Arnaud Dubien, fin connaisseur de la Russie, « 2014 avait marqué la fin des illusions sur la convergence entre la Russie et l’Occident, processus généralement compris comme l’adoption par Moscou du modèle et des règles du jeu édictées à Bruxelles et Washington ». Autant dire un asservissement aux règles édictées par ces entités. Il est compréhensible que les Russes, de culture orthodoxe et encore imprégnés d’un héritage marxiste, aient été réticents à adhérer aux systèmes de pensée occidentaux jugés décadents et pervers.

Alors que doit répondre Moscou ? Toujours selon A. Dubien « ce qui s’est passé à l’occasion de la visite de Josep Borrell au début février à Moscou indique que la Russie n’est pas demandeuse de dialogue politique, en tout cas pas selon l’agenda et les modalités voulues par Bruxelles. Le Kremlin se sent fort, laissera venir et avisera ».

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En résumé sur le plan politique, économique, culturel, etc. la Russie n’attend plus rien de l’Union européenne, considérée comme étant en train de se saborder, à tous points de vue. Peu à peu, ce qui était acheté en Europe est fourni localement ou, à défaut, importé d’autres pays, comme la Chine. Il ne pas se faire d’illusions, les agriculteurs européens en général et français en particulier ne vendront plus rien en Russie dans les années à venir.

Sur le plan militaire, les jeux de « gros bras » se poursuivent, l’OTAN et la Russie continuant à se tester mais sans intention de conquête de part et d’autre. La Pologne et les Etats baltes ont beau agiter la menace représentée par l’Ours russe – qui certes a récupéré la Crimée jugée comme vitale par le Kremlin -, la Russie ne va pas envahir ces pays. Par contre, il n’est pas exclu que Moscou agisse comme le fait Washington, en procédé à des « révolutions de couleur », en y organisant des troubles via des tiers (ONG, sympathisants) afin de maintenir les pouvoirs politiques locaux dans l’incertitude voire l’inquiétude.

Le Grand Nord, nouvel enjeu ?

Sans évoquer sur les opportunités économiques – en partie liées au réchauffement climatique – que beaucoup citent, jusqu’à présent, le Grand Nord était le terrain de jeu quasiment exclusif des bombardiers stratégiques russes.

Mais les forces américaines ont récemment montré leur intérêt pour cette région qui ne peut plus être considérée comme une « zone tampon » pour les États-Unis. En 2020, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, l’US Navy a envoyé quatre navires (USS Donald Cook, Porter, Roosevelt et USNS Supply) en mer de Barents, point de départ des sous-marins russes opérant dans l’espace océanique appelée GIUK (Groenland/Iceland/United Kingdom), d’une importance capitale pour les liaisons maritimes entre l’Europe et l’Amérique du Nord.

De son côté, l’US Air Force a mené plusieurs exercices dans la région, notamment en y dépêchant des bombardiers B-1 Lancer (qui n’ont plus de capacité nucléaire) qui ont survolé la Norvège et la Suède. En 2021, l’armée de l’air américaine a l’intention de déployer quatre de ces appareils en Norvège. Ils seront stationnés sur la base aérienne d’Ørland. Cette mission devrait officiellement améliorer l’interopérabilité avec les alliés et les partenaires de Washington en Europe et habituer les forces aux opérations dans le Grand Nord. « La disponibilité opérationnelle et notre capacité à soutenir nos alliés et nos partenaires et à réagir rapidement sont essentielles au succès », a déclaré le général Jeff Harrigian, commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique. « Nous apprécions le partenariat durable que nous avons avec la Norvège et attendons avec impatience les opportunités futures pour renforcer notre défense collective », a-t-il ajouté.

*

Force est de constater que la rupture Occident/Russie est consommée. Elle était prévisible. Il y a déjà longtemps que Moscou a retiré ses observateurs de l’OTAN. Le divorce est également acté avec l’Union européenne, suite au récent voyage de Josep Borell à Moscou et au les prochaines sanctions prévisibles suite à l’affaire Navalny.

lundi, 01 mars 2021

Grande coalition bancaire

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Grande coalition bancaire

par Georges FELTIN-TRACOL

Dans une actualité monopolisée par le covid-19, l’événement est presque passé inaperçu en France. La Belgique exporte en Italie sa coalition « Vivaldi ». En effet, le 13 février dernier est entré en fonction le 67e gouvernement de la République italienne sous la direction de l’ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Il s’agit aussi du troisième gouvernement investi sous la XVIIIe législature élue en 2018.

Cette législature commença avec l’entente populiste jaune – verte entre le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) et la Lega. Puis, en 2019, les impatiences de Matteo Salvini et les nombreuses réticences de l’aile gauche des Cinq Étoiles provoquèrent la rupture de cette alliance paradoxale. L’intervention du fondateur du M5S, Beppe Grillo, sauva le mandat de ses parlementaires en négociant avec les « rouges » du Parti démocrate (PD). Giuseppe Conte resta à la tête d’un nouveau gouvernement M5S – PD. Or le PD connut une scission en septembre 2019 orchestrée par l’ancien Premier ministre Matteo Renzi, créateur d’Italia Viva (IV). Le 11 janvier 2021, IV se retira de la coalition rouge – jaune et mit en minorité au Sénat le second gouvernement Conte.

Après quelques tractations de façade, le président de la République, Sergio Mattarella, chargea Mario Draghi de bâtir une nouvelle majorité parlementaire. L’élection biaisée de Joe Biden a dès à présent des répercussions internationales, tout particulièrement en Italie dont la souveraineté demeure plus que jamais limitée. Fort de son profil d’indépendant et de son aura de technicien hors-paire des arcanes économiques et financières, Mario Draghi se révèle incontournable. Son atlantisme, son mondialisme, son européisme et son financiarisme en font dès lors l’homme fort d’une nation bien affaiblie.

Le « magicien » Draghi parvient à constituer une majorité de 545 députés sur 630 et de 266 sénateurs sur 321. Comment ? Il contraint les principales forces politiques à s’entendre autour de sa nomination. Son gouvernement repose sur un large accord transpartisan : il rassemble le M5S, le PD, IV, les éco-socialistes de LeU (Libres et Égaux), mais aussi Forza Italia de Silvio Berlusconi et la Lega de Salvini. Il faut toutefois signaler que Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia en progression constante dans les sondages se réserve pour l’heure entre l’abstention et l’opposition active.

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L’équipe ministérielle de Mario Draghi compte 23 ministres (15 hommes et 8 femmes). Les indépendants sont les plus représentés (dix). Outre la présidence du Conseil, ils occupent les ministères de l’Intérieur, de la Justice, de l’Éducation, de l’Environnement et de l’Économie et des Finances. Le M5S conserve quatre ministères (les Affaires étrangères, les Relations avec le Parlement, la Jeunesse, l’Agriculture et l’Alimentation). Forza Italia prend les portefeuilles de l’Administration publique, des Relations avec les régions, du Sud et de la Cohésion territoriale. La Défense, la Culture et le Travail reviennent au PD. La Lega obtient le Développement économique, le Tourisme et le Handicap.

En entrant dans un gouvernement conduit par Mario Draghi, le M5S et la Lega renoncent à leurs origines populistes et confirment ainsi leur intégration dans le Système partitocratique. Il est maintenant possible que les députés européens liguistes délaissent prochainement le groupe Identité et Démocratie cofondé avec le RN, le FPÖ, l’AfD et le Vlaams Belang.

L’exemple politique italien est à suivre avec attention pour la situation française découlant de l’élection présidentielle de 2022 si le scrutin n’est pas reporté sine die. Réélu, Emmanuel Macron ne pourrait plus disposer d’une majorité, même relative, au Palais-Bourbon. Ne souhaitant pas gouverner avec les reliquats d’une gauche élargie aux Verts divisée contre elle-même, il pourrait nommer à la place de Jean Castex, Valérie Pécresse, Christian Estrosi, Xavier Bertrand, voire – audace suprême – Marine Le Pen elle-même. La présidente du Rétrécissement national poursuit par ailleurs sa reptation devant le Système. Elle a renoncé à toute sortie de l’euro et rejette le Frexit. Elle vient d’entériner les accords de Schengen et prône toujours une assimilation républicaine suicidaire pour les Albo-Européens.

Il ne fait guère de doute que les « grandes coalitions bancaires » à la mode italienne ont un bel avenir en Europe.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 203, mise en ligne sur TVLibertés, le 23 février 2021.

Du "Monde harmonieux" au "rêve chinois" - La Chine et sa stratégie de sécurité

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http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/f-vrier/du-mon...

Du "Monde harmonieux"

au "rêve chinois"

 

La Chine et sa stratégie de sécurité

 

par Irnerio Seminatore

 

Texte reparti en deux sous-titres:

I. La Chine et sa stratégie de sécurité.Un nouvel équilibre entre défense modernisée, guerre asymétrique et stratégie militaire

(première partie)

II. La quête de pouvoir de la Chine et le débat sur la puissance nationale. Vers la prééminence mondiale?

(deuxième partie, à paraître le 7 mars prochain)

****

TABLE DES MATIÈRES

I. LA CHINE ET SA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ. UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE DÉFENSE MODERNISÉE, GUERRE ASYMÉTRIQUE ET STRATÉGIE MILITAIRE (première partie)

Chine et États-Unis. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence

De la "défense passive en profondeur"(Mao) à la "défense active" dans les "guerres locales et limitées" (Deng Tsiao Ping et Xi Jinping)

La puissance nationale comme stratégie

"Vaincre le supérieur par l'inférieur"

Sur la "guerre d'information asymétrique d'acupuncture" et la guerre préventive

Conditions pour l'emporter dans un conflit limité

L'asymétrie, son concept et sa définition

L'asymétrie, le nouveau visage de la guerre et la "double spirale des défis"

II. LA QUÊTE DE POUVOIR DE LA CHINE ET LE DÉBAT SUR LA PUISSANCE NATIONALE. VERS LA PRÉÉMINENCE MONDIALE ? (deuxième partie)

Normalisation et "diplomatie asymétrique"

De la stratégie triangulaire (Chine, Union Soviétique, États-Unis) au condominium planétaire (duopole de puissance)

Paix et Guerre dans une conjoncture de mutations

Une entente pacifique renforcée avec les États-Unis de la part de la Chine? Ou un "rééquilibrage stratégique à distance" de la part des États-Unis?

De Deng Xiaoping à Xi Jinping, vers l'inversion de prééminence?

Le "Rapport Crowe" et l'analogie historique

Deux questionnements et deux interprétations des tensions actuelles et de leurs issues
L'activisme chinois et les "intérêts vitaux" de la Chine

Le "Rapport 2010" et la mission historique des forces armées chinoises

L'ordre apparent et la ruse. Sur les répercussions stratégiques et militaires de la nouvelle "Route de la Soie"

***

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I. LA CHINE ET SA STRATÉGIE DE SÉCURITÉ. UN NOUVEL ÉQUILIBRE ENTRE DÉFENSE MODERNISÉE, GUERRE ASYMÉTRIQUE ET STRATÉGIE MILITAIRE (première partie)

Chine et États-Unis. Préservation du "statu quo" ou inversion de prééminence

La rivalité entre Beijing et Washington, en raison du Covid 19, a pris un tour plus idéologique et oppose désormais deux modèles politiques, autocratique et autoritaire et pluraliste/libéral. Cette opposition impressionne le monde entier et révèle un regain d'attraction pour les régimes d'ordre, d'efficacité et de décision. Elle offre l'exemple d'une volonté qui obéit à un principe premier, celui de la sécurité et à un grand dessein, celui de la renaissance nationale et de l'avenir.

La montée en puissance de la Chine, depuis la fin de la guerre froide, en termes économiques, politiques, diplomatiques et militaires, fera de celle-ci, selon nombre d' observateurs, le plus grand protagoniste de l'histoire mondiale.

Cette émergence est susceptible de produire une inversion du rapport de prééminence entre les États-Unis, puissance dominante établie et premier empire global de l'histoire et la Chine," Empire du milieu" ou État-civilisationnel, vieux de trois mille cinq cents ans et fort d'un milliard-quatre cents millions d'hommes.

De la "défense passive en profondeur" (Mao) à la "défense active" dans les "guerres locales et limitées" (Deng Tsiao Ping et Xi Jinping)

La Chine, dans le cadre d'un système international multipolaire concentre ses ressources sur le développement de capacités asymétriques, dans le but de les moderniser et de devenir un joueur de premier plan dans la sécurité régionale de l'Asie Pacifique, de l'Asie Méridionale et de l'Indo-Pacifique. En particulier et conformément à sa tradition philosophique et combattante, à penser et agir différemment des adversaires pour acquérir une plus grande liberté d'action. Ceci s'est traduit par l'adoption d'une doctrine de modernisation de l'APL, à l'époque de la menace d'affrontement avec les deux superpuissances de la bipolarité, les États-Unis et l'Union Soviétique, qui a eu pour but de se préparer à mener une guerre totale, émergente et nucléaire afin d'assurer la survie de la nation. Plus tard, l'approche stratégique a évolué et s'est définie comme capacité de mener et de vaincre des "guerres locales", conçues comme des guerres limitées, en conditions d'informatisation et de haute technologie. Au lieu de la "défense passive" en profondeur, qui fut celle énoncée par Mao, dans la période de la " guerre du peuple" et dictée par une infériorité en capacités et ressources, la Chine de Deng Tsiao Ping, passa à la formulation d'une "défense active" dans des "zones de guerre" vers les frontières. Pour se préparer à ce type de conflit contribuèrent singulièrement les observations de la guerre du Golfe en 1991, de l'attaque de l'Otan contre Belgrade, en 1999 et de l'invasion américaine de l’Afghanistan en 2001. La direction politique et militaire de la République Populaire de Chine conclut de ces observations que l'attribution des ressources du pays pour tous les scénarios de guerre possibles était insoutenable et devait être déterminée par la spécificité du contexte international. Conformément à l'idée que le meilleur système pour vaincre est de gagner par des stratagèmes, la conception du pouvoir chinois comme "faisceaux stratégique", imposa à la Chine d'analyser sérieusement les forces et les faiblesses de son adversaire principal, afin d'établir sa propre stratégie en termes de guerre asymétrique.

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La puissance nationale comme stratégie

Le point-clé de cette conception du pouvoir repose dans la conception de la "puissance nationale", en terme de capacités d'élaboration stratégique en fonction des diverses éventualités historiques. La puissance ne peut résulter de ce fait que de la spécificité entre stratégie et environnement de sécurité. Historiquement ceci s'est traduit par une défense fixe, la Grande Muraille, face à la cavalerie nomade et mobile qui attaquait la Chine du Nord et de l'Ouest. Ce choix a renforcé la puissance relative de la Chine de l'époque, en termes de fortification et d'organisation logistique. Aujourd'hui la stratégie de "défense active" repose sur la création d'une "force de dissuasion" allégée et efficace (facteur stabilisant à l'image de la Grande Muraille) et sur l'utilisation flexible d'autres moyens dissuasifs, de prévention, d'arrêt ou de projection, ce qui exige une coordination très étroite entre lutte militaire et lutte politique, diplomatique,économique et culturelle. Il s'agit d'assurer la constitution d'une combinaison de moyens et de ressources, en vue du façonnement d'un environnement de sécurité fiable. Ainsi les stratégies mises en œuvre, détermineraient -selon Sun Tzu, les résultats escomptés, selon une série de stratagèmes de situation, avantageux ou désavantageux (d'attaque, de proximité, de défaite ou de chaos..) C'est pourquoi l'étude de l'environnement est primordial.

"Vaincre le supérieur par l'inférieur"

La conclusion fut que, vis à vis de l'Amérique, le concept chinois le plus approprié était de "vaincre le supérieur avec l'inférieur". L'étude de l'adversaire parvint au résultat d'identifier sa faiblesse, là même où se trouvait sa force et à saisir ses points vitaux, en sa dépendance des systèmes d'information. Ainsi, pour gagner ce type de guerre, la Chine se devait d'exceller dans des opérations conjointes intégrées, impliquant le système de commandement, le système de formation, le soutien inter-armées et la composition des forces. Ces opérations exigeaient une coordination entre lutte militaire et efforts politiques, diplomatiques, économiques et culturels et prévoyaient d'assumer, pour la modernisation de l'armée, la mécanisation comme fondement et l'informatisation comme objectif. Par ailleurs la Chine, poursuivant une compétition acharnée vis à vis des États-Unis, ne s'est jamais détournée des enseignements de Sun Tzu, pour lequel un concept capital impose de se connaître soi même, afin de connaître son adversaire. Concrètement il s'agissait d'identifier les facteurs qui aident à déterminer l'issue de la guerre et ces facteurs reposaient sur la vulnérabilité des avantages de l'ennemi. Pour le neutraliser il fallait une combinaison et un lien interactif entre trois types d'asymétrie, celle de la guerre totale prolongée, de la stratégie asymétrique de la guerrilla et de l'organisation logistique des combats. Dans la phase actuelle, et, pour éviter l'épuisement et la faillite d'un pays aux ressources limitées, s'engageant dans une course aux armements tous azimuts, comme le fit l'Union Soviétique, la clé du succès se trouve dans le principe de "vaincre le supérieur par l'inférieur", autrement dit, dans l'acquisition de la supériorité par l’information, avant d'acquérir la supériorité des airs et de la mer. En contrôlant certains secteurs-clés des opérations militaires l'Armée de Libération Populaire, inférieure en capacités, pourrait neutraliser la supériorité de son antagoniste principal, par la dissuasion ou encore par la destruction de ses forces de combat.

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Sur la "guerre d'information asymétrique d'acupuncture" et la guerre préventive

En conditions de crise aggravée, une attaque préventive par l'acteur inférieur contre les centres nerveux et logistiques de l'acteur étatique supérieur,neutralise les avantages de ce dernier, en renversant la situation et la donne.La saisie des points vitaux du système d'information de l'adversaire demeure en somme l'idée de base de la "guerre d’acupuncture", qui vise à neutraliser l'avantage de l'ensemble des systèmes. La guerre d'information asymétrique d'acupuncture ne connaît pas de frontières, militaires, économiques et sociales. Elle est "of limits". Chaque aspect de cette guerre dépend strictement de l'information et celle-ci des satellites spatiaux, des systèmes d'alerte aériens rapides, d'avions de guerre électroniques et de sites de commandement au sol. Selon le recours à l'image de la guerre d’acupuncture, ces points d'information cruciaux constituent des "points d'énergie vitaux". Ils dépendent tous de réseaux informatiques. Ainsi, au delà de l'espace traditionnel de combat, aérien, terrestre et naval, les nouveaux espaces de la victoire, se situent dans le cyberespace et dans l'espace électromagnétique, où il faut disposer des armes à laser, des armes à faisceaux de particules, des armes à très haute fréquence, des armes d'ondes ultrasoniques, subsoniques, furtives, à radiation, de virus informatiques puissants, de robots intégrants des nanotechnologies, de telle sorte que, pour gagner dans l'espace eso-atmosphérique, il faut disposer d'un concept de guerre intégrée en réseau électronique. Ces nouvelles dimensions de la guerre et ces nouveaux moyens d'attaque ont des implications décisives dans le combat terrestre, aérien et maritime, car l'issue du combat vient par le haut. Seul le combat éso-atmosphérique permet d’acquérir et de maintenir la supériorité au niveau inférieur. La Chine en a tiré un enseignement ferme, consistant à développer, de manière accélérée ces secteurs-clés, comme centres névralgiques des guerres locales ou totales et a investi massivement dans trois secteurs: les armes antisatellites, les opérations de réseau informatiques et les missiles anti-navires. Dans un contexte stratégique en pleine évolution, la Chine a testé une arme d'ascension directe antisatellite, lui permettant de dissuader l'ennemi de recourir au combat, de frapper d'importantes sources d'information et d'ébranler la structure de son système d'information.

Conditions pour l'emporter dans un conflit limité

Après la fin de guerre froide la Chine a déployé un système de défense antimissiles stratégiques, qui représente un défi pour la dissuasion nucléaire américaine, sur laquelle se fonde la crédibilité du parapluie nucléaire étasunien, recouvrant une trentaine de pays alliés. En dehors de la recherche de supériorité, visant à refuser l'accès aux informations essentielles, pour mener des actions de combat dans une guerre locale et, éventuellement dans le détroit de Taïwan, une autre capacité cruciale des États-Unis est concernée. Il s'agit de leur principale plate-forme de projection de puissance, les porte-avions. D'où l'effort de la Chine de développer des missiles balistiques anti-navires, dont l'opérationnalité bouleverserait le calcul des conflits potentiels entre la République Populaire de Chine et les États-Unis. Un changement significatif dans l'équilibre des pouvoirs en résulterait dans toute l'aire du Pacifique. Au niveau local, le test de ce nouveau missile anti-navires rajoute une pièce essentielle à la stratégie de déni, ou anti-accès. Ainsi l'espoir de neutraliser les avantages acquis par la Chine dans un domaine-clé, s'accompagne de la possibilité de l'emporter dans un conflit limité, par la dissuasion, la négation d'accès ou la destruction des capacités de l'adversaire. Or, les efforts de modernisation poursuivis, se focalisant sur la capacité de saisir la supériorité dans l'information, concrétisent la conception de l'asymétrie du programme de défense de la Chine, dans le domaine opérationnel, plus que doctrinal. Cette conception de l'asymétrie commande à une appréciation psycho-politique de la force relative entre la Chine et ses adversaires ou rivaux, seuls ou coalisés, et est susceptible de pencher vers un excès de confiance. Un excès qui constitue un frein, pour parvenir à des solutions négociées. De façon générale l'acquisition de la supériorité dans la stratégie de contrôle des secteurs-clés repose sur le principe d'initiative, comme facteur de vie ou de mort dans les guerres de hautes technologies, dans lesquelles la frappe inattendue et en premier, exige de dissimuler les véritables intentions des deux parties.

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L'asymétrie, son concept et sa définition

Puisque l'asymétrie touche au domaine des différences sur le terrain de l'organisation, de l'équipement et de la doctrine, le concept opératoire d'asymétrie va de la différence à une "opposition diagonale", par rapport aux capacités de l’adversaire. Or lorsque l'écart de capacités militaires est considérable, l'acteur le plus faible adopte des stratégies et des méthodes militaires non conventionnelles, qui diffèrent significativement du mode d'opposition et de combat attendus. L'asymétrie de conception et de forces doit se traduire en une plus grande liberté d'action et être politico-stratégique, opérationnel ou mixte, comportant des perspectives temporelles et opératoires différenciées, appliquées délibérément ou par défaut. Suivant cette définition, très générale, l'asymétrie opérationnelle rendue possible par l'interaction de technologies et d'organisations, conditionne l'asymétrie stratégique et sa traduction doctrinale. En venant à la politique de sécurité d'un acteur étatique, celle-ci dépend de sa lecture et de sa perception de l'environnement et donc du type de guerre destiné à assurer la survie de la nation (guerre totale) ou, en revanche une victoire périphérique ou locale dans un conflit limité, où la survie nationale n'est pas en cause.

L'asymétrie, le nouveau visage de la guerre et la "double spirale des défis"

En son pur concept l'asymétrie a affaire à la théorie, aux pratiques stratégiques et à ses formes historiques. Dans le "Livre des mutations" de la deuxième moitié du du VIIIème siècle av.J.C. et dans les écrits sur les guerres irrégulières du IVème siècle de Sun Tzu, l'asymétrie apparaît comme l'action violente d'une force irrégulière contre une force majeure établie, qui a pour but l'effondrement d'un système de pouvoir et de pensée. Elle frappe par la surprise, la brutalité et l'imprévisibilité. Elle affecte, par son impact psychologique, la volonté, la capacité d'initiative et la liberté d'action. En ses conséquences, elle produit l'effondrement de l'ennemi, par la déstabilisation de son dispositif et le renversement de ses paradigmes, dans la quête d'une issue. Elle se situe sur la ligne de jonction névralgique entre points faibles et points forts, qui lie la tradition à l'innovation. L'asymétrie n'a de sens que comme inversion du risque et n'a de symbole que dans le déséquilibrage, la paralysie et la chute. En termes de rupture, elle comporte un arbitrage historique sur la pérennité de l'autorité ou du pouvoir systémique et un arbitrage politique, dans l'orientation des opinions et des masses. L'asymétrie oppose, en tant que concept, l'ordre institutionnel au désordre insurrectionnel. et consacre l'effondrement du crédit de la force militaire au nom de la transformation du cadre stratégique et de la mutation du visage de la guerre. Paradoxalement, la fin de la guerre froide a fait apparaître un décalage de puissance entre les États-Unis et les autres acteurs, réguliers et irréguliers, de la scène internationale et cet écart capacitaire, culturel et politique, a été à l'origine de la résurgence de l'asymétrie. Le déplacement de la logique de l'affrontement vers le champ où la force militaire classique n'est plus le facteur décisif, fait découvrir que l'ennemi ne combat plus avec nos règles. Il est "hors limites" et il adopte d'autres modalités d'affrontement. Il apparaît dès lors à tous les analystes que la supériorité absolue est devenue une vulnérabilité et un objectif de combat. En réponse les États-Unis découvrent qu'une modification du visage de la guerre entrave le rendement optimal de l'appareil militaire classique et que, à côté de nos sociétés, démilitarisées,apparaissent trois phénomènes parallèles, "les conflits hybrides", "les insurgés innovants" et un autre "rapport à la mort". Quelles sont alors les guerres probables? Quelles sont les structures capacitaires et stratégiques défendables et praticables? Quel est le nouveau visage de la guerre?

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Puisque le modèle de la stratégie dominante des deux derniers siècles a été celui de Clausewitz, la puissance de la terre qu'est Chung Kuo' se prépare à une politique d'affrontement par une logistique, qui peut adopter Clausewitz sur terre, en cas de guerre conventionnelle, Mahan, sur les deux Océans, Pacifique et Indo-Pacifique, et Sun Tzu dans l'hypothèse d'un double front de combat, terrestre et maritime. Dans ce contexte la logistique du système "One Belt, One Road" devient l'élément décisif de l'épreuve de force probable entre les puissances de la terre et les puissances de la mer, au Nord, au Sud et à l'Ouest du continent européen. Mais dans cette lutte à mort pour la survie historique, les Américains ont compris que les chinois ont lancé un "défi stratégique de l'intérieur" de l'Eurasie et qu'ils devaient porter le "défi des régimes" à l'intérieur du système géopolitique et du monde des idées chinois (Hong-Kong ,Taïwan, Ouïgours). "Double spirale des défis" sur lesquels reposera le "duel du siècle" et l'histoire de l'avenir.


Bruxelles, le 1er février 2021

(deuxième partie, à paraître le 7 mars prochain)

dimanche, 28 février 2021

Britanniques et Saoudiens au Yémen

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Britanniques et Saoudiens au Yémen

Par Marco Ghisetti

Ex : https://www.eurasia-rivista.com

La guerre civile yéménite a éclaté en 2014, lorsque les insurgés houthi, rassemblant autour d'eux le mécontentement populaire généralisé causé par la "double" et continue ingérence américaine et saoudienne (1) dans leurs affaires intérieures, ont conquis la capitale yéménite Sanaa, incitant le président Hadi à se rendre en Arabie Saoudite et à demander au gouvernement de Riyad d'intervenir militairement contre les rebelles. Le 26 mars 2015, encouragée par le consentement tacite des États-Unis, l'Arabie saoudite a lancé la campagne de bombardement massif appelée "Storm of Resolve", qui est toujours en cours. Actuellement, les forces sur le terrain sont divisées en trois groupes : les Houthi, dirigés par Ansar Allah et soutenus par l'Iran (qui gagne de plus en plus de terrain), le gouvernement en exil de Hadi, soutenu par l'Arabie Saoudite, et le Conseil de transition du Sud, de moindre poids et soutenu par les Émirats. La guerre au Yémen a jusqu'à présent entraîné la mort violente de 100 000 à 250 000 personnes, selon les estimations, en plus des 4 millions de personnes déplacées et des 24 millions de personnes ayant besoin d'une aide humanitaire. La guerre au Yémen est considérée comme la plus grave catastrophe humanitaire en cours, "dont il est presque interdit de parler et d'écrire pour le moment"(2). Le silence du cirque médiatique et du clergé journalistique s'explique peut-être par l'insistance sur l'importance stratégique du Yémen et le rôle que jouent deux alliés des Etats-Unis - l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni - dans le conflit et, par conséquent, leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui gangrène la population yéménite.

***

Quelle que soit l'ampleur des bombardements contre les forces houthi, il ne fait désormais aucun doute que le Royaume-Uni a joué un rôle d'accompagnement aux côtés des Saoudiens depuis le début de la campagne aérienne. Depuis 2015, "le Royaume-Uni a accordé au régime saoudien des licences d'armes d'une valeur d'au moins 5,4 milliards de livres sterling. 2,7 milliards de livres ont été dépensés pour les licences ML10, y compris les avions, les hélicoptères et les drones, et 2,5 milliards pour les licences ML4, y compris les grenades, les bombes, les missiles et les contre-mesures. En juin 2020, l'ONU a rapporté que plus de 60 % des morts de civils au Yémen sont causés par des frappes aériennes dirigées par les Saoudiens. BAE Systems - la plus grande société d'armement du Royaume-Uni - a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 15 milliards de livres sterling en ventes et services à l'Arabie saoudite depuis 2015" (3).

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John Develler, un ancien employé du ministère britannique de la défense en Arabie Saoudite, a déclaré que "les Saoudiens sont complètement dépendants de BAE Systems. Ils ne pouvaient rien faire sans nous". Le soutien britannique aux Saoudiens va au-delà de la simple vente d'armes et d'équipements de guerre : on estime qu'il y a actuellement 6300 forces britanniques en Arabie Saoudite qui fournissent un soutien logistique continu, auquel il faut ajouter environ 80 soldats de la RAF. Un employé de BAE a déclaré : "Sans nous [les Britanniques], il n'y aurait pas un seul jet [saoudien] dans le ciel d'ici sept ou quatorze jours"(4).

L'aide britannique à l'Arabie Saoudite n'a pas été sans susciter des critiques internes. En raison de l'illégalité, au regard du droit international, de l'intervention saoudienne au Yémen, en 2019, un tribunal britannique a ordonné l'arrêt immédiat des ventes d'armes car elles étaient également utilisées contre la population civile. Toutefois, cette décision a été de facto annulée l'année suivante par la secrétaire d'État au Commerce national, Liz Truss : elle a déclaré qu'elle pouvait être rétablie après avoir "constaté" que de telles armes n'avaient pas été utilisées contre des civils, confirmant ainsi la volonté du Royaume-Uni de continuer à soutenir l'Arabie saoudite.

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L'importance du Yémen

Le choix des Britanniques et des Saoudiens d'intervenir au Yémen est dû au fait suivant : ces deux acteurs doivent maintenir leur relation privilégiée avec le géant nord-américain, ils doivent partager les "responsabilités" qui leur ont été confiées par les Etats-Unis alors que ces derniers s’occupent de l'Asie. Par exemple, la "nécessité de créer un espace d'action pour Londres" a incité le Royaume-Uni à "renforcer les liens qui existent déjà entre les deux côtés de l'Atlantique" (5), afin de cultiver et de raviver la "relation spéciale" qu'il entretient avec le géant d'outre-mer après s'être séparé de l'Union européenne. Et de ce point de vue, si la guerre par procuration contre le Yémen est en fait une des "responsabilités" que Riyad doit assumer tandis que les Etats-Unis se concentrent sur l'Asie, la guerre et le soutien logistique britanniques à Riyad est une des "responsabilités" qui incombent à Londres.

La République du Yémen est stratégiquement positionnée pour dominer les voies maritimes qui, comme l'indique la stratégie navale américaine pour la décennie 2020-30, détermineront l'équilibre des pouvoirs au XXIe siècle (6). Selon cette stratégie, les États-Unis doivent maintenir leur domination sur les mers qu'ils ont acquise grâce à leur victoire lors de la Seconde Guerre mondiale, mais doivent également la partager et la placer partiellement sur les épaules de leurs "alliés" afin de tenir tête aux acteurs qui érodent leur suprématie navale (principalement: la Chine, la Russie et l'Iran). Le détroit de Bab al-Mandeb, qui sépare la péninsule arabique de la Corne de l'Afrique, peut être facilement fermé par une puissance qui exploite le Yémen comme un pivot terrestre ; c'est, avec le détroit de Gibraltar, le point terminal qui relie la route maritime qui, en passant par la Méditerranée, le canal de Suez et la mer Rouge, relie l'océan Atlantique à l'aire maritime indo-pacifique. Celui qui est maître de ces centres névralgiques de la mer est donc aussi maître d'une des principales routes maritimes mondiales.

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Plus précisément, le rival des États-Unis que l'Arabie saoudite et le Royaume-Uni combattent au Yémen est l'Iran. En fait, si la République islamique devait obtenir, par l'intermédiaire des rebelles houthi qu'elle soutient, un accès direct au détroit de Bab al-Mandeb, "l'équilibre des forces dans la région changerait considérablement" (8) au détriment des États-Unis, car la suprématie américaine dans ces eaux serait grandement renforcée en faveur de son rival iranien. En outre, "un Yémen contrôlé par des Houthi serait un client potentiel pour les compagnies pétrolières russes ou chinoises" (9).

En tout cas, "si l'Arabie Saoudite est jusqu'à présent le grand perdant de la guerre" et que le Royaume-Uni a beaucoup perdu en termes d'image, "la population yéménite est sans aucun doute la grande victime de ce conflit" (10). Le rôle joué par l'Arabie Saoudite et le Royaume-Uni, deux des principaux alliés des Etats-Unis, au Yémen - et donc leur responsabilité plus ou moins directe dans la tragédie qui se déroule dans ce pays - explique pourquoi les médias occidentaux restent silencieux sur ce que les Nations Unies ont qualifié de crise humanitaire des plus graves en cours.

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Notes :

  • (1) Haniyeh Tarkian, La guerra contro lo Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici”, 3/2019, p. 142
  • (2) Marco Pondrelli, Continente eurasiatico. Tra nuova guerra fredda e prospettive di integrazione. Prefazione di Alberto Bradanini, Anteo, 2021, p. 89.
  • (3) Gabrielle Pickard-Whitehead, UK urged to follow Biden’s lead and end Yemen war support,  leftfootforward.org, 8 febbraio 2021
  • (4) Arron Merat, ‘The Saudis couldn’t do it without us’: the UK’s true role in Yemen’s deadly war, theguardian.com, 18 giugno 2019
  • (5) Andrea Muratore, Il tramonto della “global Britain”?, eurasia-rivista.com, 3 luglio 2020
  • (6) Pour une analyse de la nouvellestratégie navale américaine, voir : Marco Ghisetti, “Advantage at Sea”: la nuova strategia navale statunitense, 26 dicembre 2020, eurasia-rivista.com
  • (7) Haniyeh Tarkian op. cit., p. 142
  • (8) Angelo Young, War In Yemen: Tankers Moving Unimpeded Through Bab Al-Mandeb Oil Shipment Choke Point, Says Kuwait Petroleum Corporation, 29 marzo 2015, ibtimes.com
  • (9) William F. Engdahl, Yemen Genocide About Oil Control, 20 novembre 2018, williamengdahl.com
  • (10) Massimiliano Palladini, Cinque anni di guerra in Yemen, in “Eurasia. Rivista di studi geopolitici” 4/2020, p. 196

samedi, 27 février 2021

Biden veut détacher les États-Unis des terres rares de Chine

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Biden veut détacher les États-Unis des terres rares de Chine

Paolo Mauri

Ex : https://it.insideover.com

Hier, le président américain Joseph Biden a signé un décret concernant la "chaîne d'approvisionnement" des biens essentiels et critiques pour la sécurité du pays.

La déclaration officielle de la Maison Blanche indique que "ces dernières années, les familles, les travailleurs et les entreprises américaines ont de plus en plus souffert de pénuries de produits essentiels, des médicaments aux aliments en passant par les puces électroniques. L'année dernière, la pénurie d'équipements de protection individuelle (EPI) pour les travailleurs de la santé de première ligne au début de la pandémie de Covid-19 était inacceptable. La récente pénurie de puces à semi-conducteurs pour l'industrie automobile a entraîné des ralentissements dans les usines de fabrication, ce qui montre à quel point cette pénurie peut nuire aux travailleurs américains".

Il est souligné que les États-Unis doivent veiller à ce que les pénuries de produits manufacturés, les perturbations commerciales, les catastrophes naturelles et les actions potentielles des concurrents et des adversaires étrangers ne rendent plus jamais les États-Unis vulnérables.

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Le décret de la Maison Blanche lance un examen complet de la chaîne d'approvisionnement des biens américains essentiels et charge les ministères et agences fédérales d'identifier les moyens de la protéger contre un large éventail de risques et de vulnérabilités. La mise en place d'un ensemble de chaînes d'approvisionnement résistantes ne protégera pas seulement le pays contre les pénuries de produits essentiels, elle facilitera également les investissements nécessaires pour maintenir l'avantage concurrentiel des États-Unis et renforcer la sécurité nationale.

L'ordonnance fixe un délai de 100 jours pour effectuer un examen immédiat dans les agences fédérales afin d'identifier les vulnérabilités de quatre produits clés.

Outre la production de principes actifs pharmaceutiques, dont 70 % ont été transférés à l'étranger, et les semi-conducteurs, qui ont été négligés par les investissements ayant entraîné la perte du leadership manufacturier américain, les deux secteurs les plus intéressants sur le plan géopolitique que l'administration entend mettre en œuvre sont les batteries de grande capacité (utilisées dans les véhicules électriques) et les terres rares, désignées comme "minéraux critiques" car elles constituent "une partie essentielle des produits de défense, de haute technologie et autres". Ces ressources minérales particulières - ainsi que le lithium, le cobalt et les métaux du groupe du platine (Pgm) - sont en fait nécessaires pour construire des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries pour le stockage de l'électricité nécessaire aux véhicules électriques et le stockage de l'énergie alimentant le réseau. Les terres rares en particulier sont des éléments essentiels pour la défense, car elles sont utilisées, par exemple, dans les composants des radars de nouvelle génération, dans les systèmes de guidage et dans l'avionique des avions de chasse de dernière génération.

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Actuellement, malgré le fait que les États-Unis disposent d'importantes réserves minérales, la Chine est le premier pays dans la production et le traitement de ces éléments. Il est en effet bien connu que Pékin, outre qu'elle possède l'un des plus grands gisements de ces minéraux, fournit 97% du total mondial de cette ressource, dans la mesure où la Chine est capable aujourd’hui de retraiter le minéral brut, le transformant en matière exploitable, ce qui lui confère pratiquement un monopole ; elle est suivie, en ce domaine, à très grande distance, par les États-Unis.

On comprend donc aisément quelles pourraient être les conséquences de cette domination sur le plan stratégique : la Chine pourrait décider, comme elle l'a déjà laissé entendre en mai 2019, de réduire la production ou l'exportation de ces minéraux vers les États-Unis, ce qui deviendrait une arme fondamentale, dans l’arsenal chinois, pour une guerre hybride menée contre Washington ou serait simplement une carte avec laquelle, les Chinois pourraient faire chanter les États-Unis et leur politique d’opposition systématique à l'expansion chinoise.

Un autre facteur est le changement de cap "vert" de la nouvelle administration. Le président Biden a inscrit à son ordre du jour la relance de l'économie verte, et cette domination chinoise sur les terres rares pourrait très facilement l'entraver. A la Maison Blanche, ils ont donc réalisé que les plans du nouveau président pour un secteur énergétique zéro carbone d'ici quinze ans, se heurtent à la faiblesse des entreprises américaines dans le domaine de l'approvisionnement en minerais et dans la chaîne de transformation. En fait, les États-Unis importent actuellement 100 % de la vingtaine de minéraux clés, nécessaires à l'énergie verte, et sont presque aussi dépendants des importations de ces minéraux particuliers.

L'ordonnance prévoit également un examen plus approfondi, sur une année, d'un ensemble plus large de chaînes d'approvisionnement qui couvrira des secteurs clés tels que la base industrielle de la défense, la santé publique, les technologies de l'information et de la communication, les secteurs des transports et de l'énergie ainsi que la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire.

Toutefois, cette activité ne sera pas limitée à une courte période de temps. La révision des chaînes d'approvisionnement, action qui identifie simultanément, outre les risques et les lacunes, les nouvelles orientations et les politiques spécifiques de mise en œuvre, durera tout au long du mandat présidentiel de quatre ans dans un travail constant d'interaction entre les ministères, les agences fédérales et l'exécutif qui impliquera également le monde de l'industrie, les universités et les organisations non gouvernementales.

Le président Biden a donc lancé une nouvelle politique pour mettre fin à la dépendance américaine vis-à-vis de la Chine, non seulement en vue de relancer l'économie nationale et de soutenir sa vision "verte", mais surtout pour une raison stratégique : en effet, il n'est pas possible de contrer l'expansionnisme économique, commercial et militaire de la Chine tout en dépendant d’elle, dans des secteurs clés tels ceux de l'industrie de haute technologie, intimement liés à la Défense. Il s'agit donc d'un plan de sécurité nationale qui libérera Washington des liens commerciaux qu'elle entretient avec Pékin, mais qui pourrait avoir des conséquences néfastes en ce qui concerne "l'exportation de la démocratie". Les ressources minérales, les gisements, ne sont pas mobiles, et il n'y a que deux façons de s'en emparer : resserrer les liens avec les nations qui possèdent de grands gisements, ou intervenir manu militari pour pouvoir contrôler la production. Quelque chose qui se passe aujourd'hui en République démocratique du Congo, où, ce n'est pas un hasard, des hommes du groupe russe Wagner sont présents, et quelque chose qui s'est déjà produit en Afghanistan, un pays qui, avec la Bolivie, le Chili, l'Australie, les États-Unis et la Chine, possède les plus grandes réserves de lithium au monde.

Premier raid de l'ère Biden : frapper les milices en Syrie

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Premier raid de l'ère Biden : frapper les milices en Syrie

Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com

L'ère de Joe Biden à la Maison Blanche commence au niveau international avec un premier raid en Syrie. Comme l'a confirmé le Pentagone, le président américain a ordonné un raid de bombardement contre des sites qui, selon les renseignements américains, sont utilisés par des miliciens pro-iraniens dans la partie orientale du pays. "Ces raids ont été autorisés en réponse aux récentes attaques contre le personnel américain et de la coalition en Irak et aux menaces continues contre ce personnel", a déclaré le porte-parole de la Défense John Kirby, qui a précisé que l'attaque avait été spécifiquement menée "sur ordre du président", visant des sites "utilisés par divers groupes militants soutenus par l'Iran, dont le Kaitaib Hezbollah et le Kaitaib Sayyid al-Shuhada". Pour Kirby, le raid "envoie un message sans équivoque qui annonce que le président Biden agira dorénavant pour protéger le personnel de la coalition liée aux Etats-Unis. Dans le même temps, nous avons agi de manière délibérée en visant à calmer la situation tant en Syrie orientale qu'en Irak".

La décision de Biden intervient à un moment très délicat dans l'équilibre des forces au Moyen-Orient. Une escalade contre les forces américaines en Irak a commencé le 15 février et a conduit à plusieurs attaques contre les troupes américaines. L’avertissement est destiné aux forces pro-iraniennes présentes en Irak, qui a toujours constitué un véritable talon d'Achille pour la stratégie américaine au Moyen-Orient. Le pays qui a été envahi par les Américains en 2003 est devenu ces dernières années l'un des principaux partenaires de l'adversaire stratégique de Washington dans la région, Téhéran. Et il ne faut pas oublier que c'est précisément en Irak que le prédécesseur de Biden s'est manifesté. Donald Trump, en effet, avait ordonné le raid qui a tué le général iranien Qasem Soleimani. Une démarche que Bagdad avait évidemment condamnée, étant donné que le territoire sous autorité irakienne est devenu un champ de bataille entre deux puissances extérieures.

Cette fois, c'est la Syrie qui a été touchée. Et cela indique déjà une stratégie précise de la Maison Blanche. Pour le Pentagone, frapper la Syrie en ce moment signifie frapper un territoire avec une autorité qu'ils ne reconnaissent pas et qu'ils ont tenté de renverser. Une situation très différente de celle de l'Irak, où les États-Unis veulent éviter que le pays ne se retourne contre les forces étrangères présentes sur place et où il existe un gouvernement que l'Amérique reconnaît comme interlocuteur. Le fait que le raid ait eu lieu en Syrie mais en réponse aux attaques en Irak, indique qu'ils ne veulent pas créer de problèmes pour le gouvernement irakien.

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L'attaque confirme également un autre problème pour l'administration américaine. La présence de milices pro-iraniennes en Syrie et en Irak est un nœud gordien qui est loin d’avoir été tranché. Les généraux américains ont longtemps demandé à la Maison Blanche, sous Trump, d'éviter un retrait des troupes de Syrie, précisément pour exclure la possibilité que les forces liées à Téhéran reprennent pied dans la région. Trump, même s’il était récalcitrant, a néanmoins accepté, en fin de compte, les exigences du Pentagone (et d'Israël) et a évité un retrait rapide des forces américaines. Pour la Défense américaine, il y avait également le risque d'un renforcement de la présence russe (Moscou a condamné l'attaque en parlant d'"une action illégitime qui doit être catégoriquement condamnée"). Ce retrait ne s'est jamais concrétisé, se transformant en un fantôme qui erre depuis de nombreux mois dans les couloirs du Pentagone et de la Maison Blanche et niant la racine de l'une des promesses de l’ex-président républicain : la fin des "guerres sans fin".

Le très récent raid américain n'indique en aucun cas un retour en force de l'Amérique en Syrie. Le bombardement a été très limité et dans une zone qui a longtemps été dans le collimateur des forces américaines au Moyen-Orient. Mais le facteur "négociation" ne doit pas non plus être oublié. Les Etats-Unis négocient avec l'Iran pour revenir à l'accord sur le programme nucléaire : mais pour cela, ils doivent montrer leurs muscles. Comme le rapporte le Corriere della Sera, Barack Obama avait l'habitude de dire : "vous négociez avec votre fusil derrière la porte". Trump l'a fait en se retirant de l'accord, en tuant Soleimani et en envoyant des bombardiers et des navires stratégiques dans le Golfe Persique. Biden a changé la donne : il a choisi de limiter les accords avec les monarchies arabes pour montrer clairement qu'il ne s'alignait pas sur la politique de Trump, en gelant les F-35 aux Émirats et les armes aux Saoudiens qui se sont attaqué au Yémen. Mais en même temps, il voulait envoyer un signal directement à l'Iran en frappant des milices à la frontière entre l'Irak et la Syrie. Tactiques différentes, stratégie différente, mais avec une cible commune : l'Iran.

vendredi, 26 février 2021

L'implication de la Turquie dans le conflit ukrainien va-t-elle conduire à l'intégration du Donbass par la Russie?

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L'implication de la Turquie dans le conflit ukrainien va-t-elle conduire à l'intégration du Donbass par la Russie?

par Karine Bechet-Golovko
Ex: https://russiepolitics.blogspot.com
 
Depuis décembre, l'intérêt grandissant de la Turquie, membre de l'OTAN, pour l'Ukraine inquiète ceux qui ne veulent pas la guerre totale dans le Donbass et sa possible extension au continent européen. En effet, l'accord militaire passé entre les deux pays, prévoyant une production commune pour l'Ukraine de ces drones de combat, qui ont donné la victoire à l'Azerbaïdjan, et la livraison d'une première partie, laisse attendre de nombreuses victimes civiles dans le Donbass et un risque d'extension du conflit. Car tout l'intérêt est là pour les Atlantistes : la Russie va-t-elle s'en tenir à un soutien caché et à des déclarations diplomatiques, et perdre politiquement tant à l'intérieur qu'à l'internatonal, ou bien va-t-elle laisser entendre être prête à défendre le Donbass russe contre cette agression, somme toute, de l'OTAN ? Les globalistes ayant eux-mêmes changé l'équilibre international par le développement d'une politique d'agression massive des pays non-alignés, la question longtemps écartée par la Russie de l'intégration du Donbass pourrait retrouver tout son sens dans ce nouveau contexte conflictuel.  

En décembre 2020, la Turquie et l'Ukraine ont passé un accord militaire concernant la production commune de drones de combat avec transfert de technologie. Et en attendant la mise en route de cette production, l'Ukraine se disait prête à acheter des drones Bayraktar TB2, ces mêmes drones qui ont fait la différence dans le conflit du Haut-Karabakh. Il semblerait, selon certains experts, que la Turquie ait été aidée par les Etats-Unis à prendre la "bonne décision", celle d'une implication active dans le conflit ukrainien, suite à des sanctions imposées à ses entreprises de production d'armes. Cette délicate incitation expliquerait certainement le prix de vente incroyablement bas. En février 2021, l'information tombe d'une vente de 6 drones de combat à l'armée ukrainienne à un prix 16 fois inférieur à celui du marché.

L'intensification de l'activité des forces armées ukrainiennes, en violation directe des Accords de Minsk, oblige effectivement à poser la question d'une reprise "finale" du conflit. De son côté, la Russie appelle les Occidentaux à dissuader l'Ukraine de se lancer dans une folie guerrière, tout en soulignant que l'armée ukrainienne est soutenue, armée et entraînée par ces mêmes Occidentaux. Aucun conflit armé ne peut être contrôlé, il sort toujours des limites initialement prévues et entraîne des conséquences imprévisibles. Les Occidentaux ont-ils réellement envie de se battre pour l'Ukraine ? L'on peut sérieusement en douter. Mais s'ils laissent faire, comme ils le font actuellement, ils pourront être embarqués dans un conflit qui mettra à genoux une Europe, déjà triste fantôme d'elle-même.

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La situation est ici extrêmement complexe (voir notre texte ici). Le Donbass n'est pas le Haut-Karabakh, en cas d'affrontement militaire, la Russie ne peut pas se permettre de rester en retrait. Certes moralement, comme le déclare Kourguiniane, la question du choix entre les néo-nazis de Kiev et les Russes et Ukrainiens du Donbass ne se pose pas : "Personne en Russie ne se permettrait de faire un autre choix, même s'il le voulait". Et le clan dit libéral, présent dans les organes de pouvoir, le voudrait fortement, espérant ainsi enfin entrer dans la danse occidentale, répétant à satiété le choix de 1991 et les erreurs qui l'ont accompagné.

Mais surtout, la situation est complexe sur le plan de la sécurité internationale, car la reprise dans le sang du Donbass par l'OTAN, sous drapeau turco-ukrainien, remettrait totalement en cause, au minimum, la stabilité sur le continent européen. Ce qui, in fine, servirait le fantasme globaliste. 

D'un autre côté, la menace d'une intervention de la Russie, doublée d'une intégration du Donbass dans la Fédération de Russie, pourraient être le seul élément qui fasse réfléchir à deux fois avant de lancer les troupes. Car il y a une différence entre faire la guerre à LDNR et faire la guerre à la Russie.

Cette option de l'intégration avait longtemps été écartée par la Russie pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le scénario de Crimée était unique et n'illustrait pas une vision expansionniste. Ensuite, la Russie n'avait pas la volonté de remettre en cause la stabilité internationale, ce que démontre ses appels incessants à exécuter les Accords de Minsk, qui inscrivent le Donbass dans le cadre de l'état ukrainien, soulignant que dans le cas contraire, l'Ukraine pourrait définitivement perdre le Donbass comme elle a perdu la Crimée. Enfin, car elle espérait, à terme, voir réintégrer l'Ukraine post-Maïdan au Donbass, c'est-à-dire pacifier l'Ukraine, la rendre à elle-même.

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Or, la situation géopolitique a changé. L'intensification de la confrontation entre le clan atlantiste et la Russie modifie la donne sur de nombreux points. Si de toute manière des sanctions sont adoptées en chaîne contre la Russie, si de toute manière la rhétorique anti-russe continue à prendre de l'ampleur, si de toute manière les Atlantistes veulent faire de la Russie un état-terroriste, un paria, pourquoi alors ne pas réagir ? Les réactions asymétriques sont les plus efficaces et l'intégration du Donbass peut être l'une d'elles. Puisque de toute manière, avec ou sans lui, le combat entre dans une phase finale, une raison sera toujours trouvée (voir notre analyse ici) pour combattre la Russie, tant que l'obéissance ne sera pas totale, tant que la Russie ne se reniera pas sur la place publique.

Soit les globalistes n'ont plus le choix, ils doivent gagner ou périr, soit ils n'apprennent pas de leurs erreurs : le Maîdan, cette erreur de trop, qui a conduit à l'intégration de la Crimée, au retour de la Russie, décomplexée, sur la scène internationale, avec la Syrie ou le Venezuela. Dans tous les cas, la Russie a les cartes en main, elle aussi doit faire un choix stratégique, avec toutes les conséquences existentielles que cela implique.

Salvini, Draghi et la Lega : l’Italie dans le “Great reset”

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Salvini, Draghi et la Lega : l’Italie dans le “Great reset”

par Gabriele Adinolfi

Ex: https://strategika.fr

Gabriele Adinolfi est un théoricien politique italien. Il a dirigé la rédaction du journal Orion et lancé divers projets médiatiques et métapolitiques comme le site d’information NoReporter ou le think tank Centro Studi Polaris. Il a aussi parrainé en Italie les occupations illégales d’immeubles abandonnés à destination des familles italiennes démunies, occupations dont la plus connue est la Casapound (dont le nom fait référence à l’écrivain Ezra Pound) et qui est aujourd’hui un mouvement politique national. A partir de 2013 il anime un think tank basé à Bruxelles, EurHope. Les activités de Eurhope et de Polaris aboutissent au projet de l’Académie Europe (2020) qui relie des intellectuels, des activistes et des entrepreneurs de plusieurs pays. Le but de cette initiative est de créer une élite politique et entrepreneuriale apte à influer sur la politique européenne à l’échelle continentale. Dans le cadre de cette Académie Europe, il donne un cours de méthodologie politique en français tous les jeudis à 18h. Cours accessible en ligne ici.

Pour déterminer si la Ligue a ou non trahi ses électeurs, le premier élément à considérer est leur sentiment. L’augmentation de consensus pour la Ligue, après le vote Draghi, a doublé par rapport à celle pour Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) qui a choisi de rester en dehors du nouveau gouvernement.

Pourquoi le choix de la Ligue devrait-il être perçu comme une trahison ? Telle est la perception de ce qu’on appelle en sociologie les sous-cultures. Dans la communication moderne, des ghettos sociaux sont créés et à l’intérieur de ces ghettos sociaux certains utilisateurs s’influencent mutuellement, transformant la réalité des partis et des politiciens (Salvini, Trump, Poutine, Orban) à leur guise. Ils rejettent tout ce qui contredit leur vision et soulignent ce qui leur tient à cœur. Ils pensent ainsi que le succès de ces partis ou de ces politiciens est dû aux raisons que les utilisateurs des ghettos sociaux considèrent comme fondamentales et, quand la réalité fait tomber leur illusion, ils croient que les électeurs ont été trahis et qu’ils se retourneront contre les traîtres. Mais cela ne réside que dans la fausse perception de la réalité par les ghettos sociaux.

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La Ligue, l’euro et l’Europe

La bataille de Salvini pour la sortie de l’euro a duré un an, de 2016 à 2017. Compte tenu de la façon dont cette ligne avait pénalisé Marine Le Pen à l’élection présidentielle, Salvini l’a brutalement abandonnée.

Il faut dire aussi que cette campagne démagogique a été lancée par une Ligue qui était à son plus bas résultat historique (4%), alors qu’elle était marginale et pouvait se permettre de dire ce qu’elle voulait.

Cependant, la Ligue est revenue pour gouverner les régions productives italiennes, pour représenter les industries, le tourisme, le commerce et là, si quelqu’un propose de quitter l’Euro, ils appellent directement une clinique psychiatrique.

Les ghettos sociaux n’ont pas compris cela car il y a encore trois ou quatre représentants de la Ligue qui jouent le no euro et les anti-allemands et, comme d’habitude, les utilisateurs sociaux confondent ceux qui viennent pêcher dans leur environnement avec l’ensemble du mouvement qui lui n’est pas du tout sur ces positions.

Il faut dire aussi que le souverainisme est suivie de près par les loges anglaises; loges qui veulent la faiblesse italienne et européenne, et donc soutiennent les lignes anti-euro.

Le personnage principal du parti de la City et de la Bourse proche de la Lega est Paolo Savona, qui fut l’un des architectes de la séparation entre la Banque d’Italie et le Trésor et l’un des porte-étendards des privatisations. Sa tâche n’est pas de nous sortir de l’euro, mais de saboter la puissance économique européenne. La pieuvre britannique du souverainisme en soutien au dollar et à la livre n’est pas dans la Ligue, elle opère à l’extérieur (Paragone, Giubilei, Fusaro). Au sein de la Ligue, le plus grand critique de l’euro et de l’Europe est Alberto Bagnai, l’homme qui célèbre publiquement le bombardement de Dresde. À un niveau beaucoup plus bas de la hiérarchie, il y a Borghi et Rinaldi, dont l’impact dans la Ligue et sur l’électorat de la Ligue est insignifiant mais qui sont imaginés par les ghettos sociaux comme dirigeants de la Ligue.

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Draghi et les Italiens

Draghi a obtenu 86% des voix au Sénat et 89% des voix au Parlement.
Le consensus des Italiens pour Draghi est inférieur à celui exprimé par les partis, mais il est juste légèrement inférieur, car il approche des 80%.

Draghi est considéré comme l’homme qui a réussi à vaincre la ligne d’austérité de la Banque centrale et à aider l’économie italienne. Les Italiens qui continuent à être appelés eurosceptiques à l’étranger ne sont pas du tout eurosceptiques. Il est nécessaire de comprendre la mentalité italienne et l’expression comique de la politique.
En Italie, par tradition, l’État est quelque chose d’étranger à la vie quotidienne: on le maudit en payant des impôts mais on l’invoque pour l’aide économique et l’emploi.
C’est comme si vous aviez affaire à un grand-père qui se considère riche et de qui vous espérez obtenir quelque chose mais que vous êtes très réticent à rester auprès de lui.
Les chrétiens-démocrates avaient une majorité ininterrompue pendant cinquante ans, mais rencontrer alors quelqu’un qui prétendait voter pour DC était plus rare que de trouver un trèfle à quatre feuilles. Avec une mentalité syndicale, les Italiens ont tendance à critiquer ce qu’ils votent réellement, mais parce qu’ils croient qu’en faisant cela, leur soutien semblera décisif et qu’ils pourront exiger et obtenir plus de leur seigneur.

La relation avec l’UE de la part des Italiens est exactement la même. C’est un européanisme passif.

Depuis que Merkel a forcé les Européens à aider à restaurer l’économie italienne, les Italiens se font des illusions sur le fait qu’ils peuvent se remettre sur les épaules des autres et pensent que Draghi a l’autorité nécessaire pour que cela se produise à un coût limité.

Considérant aussi à quel point les deux gouvernements présidés par Conte se sont révélés amateurs, le consensus pour Draghi n’est inférieur, dans l’histoire italienne, qu’à celui de Mussolini.

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L’Italie et la comédie

Chaque peuple a ses comédies et la démocratie est la comédie par excellence.
Aucune comédie n’est sérieuse. Mais les comédies sont différentes d’un pays à l’autre. En France, la tendance est à la vantardise, en Italie à être cabotin.

Le fanfaron doit respecter autant que possible le rôle qu’il joue, l’histrion change de rôle sans avoir de problèmes et joue un autre rôle à la seconde.

L’improbable unité italienne derrière Draghi est incompréhensible ailleurs. Salvini qui rencontre les dirigeants du Parti démocrate et qui s’apprête à gouverner avec eux. Salvini parlant avec le ministre de l’Intérieur qui a pris sa place contre lui et trace une ligne commune, Borghi inventant que Draghi est un “souverainiste”, sont des singeries qui ne seraient possibles nulle part ailleurs dans le monde mais qui en Italie sont très normales, comme les films de Sordi et Gassman l’enseignent.

La Ligue et Draghi

On ne sait pas exactement ce que Draghi essaiera de faire ni s’il réussira. J’espère pour ma part que cela échouera pour une raison simple : je crois qu’il faut maintenant la catastrophe la plus noire et la plus violente en Italie pour qu’il se produise un effet de choc qui puisse, peut-être, faire exister les vertus italiques chez quelqu’un parce qu’aujourd’hui l’Italie est, collectivement, une immense bouffonnade.

En tout cas, pour imaginer ce que Draghi tentera de faire, il faut abandonner tous les clichés en cours dans les ghettos sociaux. Draghi ne veut pas «liquider» l’Italie pour un méchant patron allemand ou français et ne veut pas la mettre en faillite. Au contraire, il veut rationaliser les dépenses, contrôler les revenus et relancer la production. Ce qui n’est pas du tout contraire à la soi-disant grande réinitialisation de Davos car, si vous lisez leurs documents préliminaires, ils sont préoccupés par la santé des entreprises productives; pour la simple raison que quiconque se nourrit du sang des autres, quand il meurt, doit lui donner des transfusions robustes.

Draghi n’est pas encore au travail mais certaines données s’éclaircissent. Le poids politique de la droite, et en particulier de Berlusconi, est très fort. Draghi veut se lancer dans un bras de fer avec l’État profond parasite italien et le choix de Brunetta comme ministre de l’administration publique le confirme. Trois ministères sont allés à la Ligue, dont deux revêtent une importance stratégique et pour l’économie et pour l’électorat de ce parti. Il s’agit du ministère du Tourisme, qui va à Massimo Garvaglia et du ministère du Développement économique qui va à Giancarlo Giorgetti, qui a grandi au MSI (note Strategika : Mouvement Social Italien, droite nationale post-fasciste).

Qu’elle gagne ou qu’elle perde, la Ligue a donc toutes les références pour bien jouer son jeu. Si ce match réussissait, la Ligue triompherait. Et si le jeu échoue ? Il ne se passerait pas grand-chose : elle jouerait ensuite un autre match. Le transformisme politique italien et la mentalité avec laquelle la comédie est vécue chez nous permettront tout autre nouveau saut périlleux. N’oublions pas que la Ligue a été à tour de rôle sécessionniste, autonomiste, souverainiste et européiste et que, changeant de masque, elle est toujours restée en selle. Tout simplement parce que elle est l’expression de territoires productifs et de classes sociales pénalisées par l’État profond et la bureaucratie. Par conséquent, elle risque peu ou rien dans son nouvel investissement.

jeudi, 25 février 2021

Pourquoi l'Europe est-elle hostile à la Russie?

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Pourquoi l'Europe est-elle hostile à la Russie?

Par Igor Ivanov

Ex : https://moderndiplomacy.eu

Dans son ouvrage phare de 1871, Russie et Europe, le célèbre intellectuel russe et slave Nikolay Danilevsky a exposé sa théorie selon laquelle "l'Europe reconnaît la Russie comme quelque chose d'étranger à elle-même, et pas seulement d’étranger, mais aussi d’hostile", et que les intérêts fondamentaux de la Russie devraient servir de "contrepoids à l'Europe".

Cent cinquante ans se sont écoulés depuis la publication de cet ouvrage. Le monde a changé. Quoi qu'en disent les antimondialistes, le développement rapide des technologies modernes et leur utilisation dans notre vie quotidienne nous ont obligés à réévaluer nombre de nos convictions concernant les relations entre les États et les peuples. L'échange d'informations, de découvertes et de connaissances scientifiques, et le partage de nos richesses culturelles rapprochent les pays et ouvrent des possibilités de développement qui n'existaient pas auparavant. L'intelligence artificielle ne connaît aucune frontière et ne différencie pas les utilisateurs selon leur sexe ou leur nationalité. Parallèlement à ces nouvelles possibilités, le monde est également confronté à de nouveaux problèmes de plus en plus supranationaux, dont la résolution exige des efforts combinés de notre part. La pandémie du coronavirus en est le dernier exemple en date.

C'est dans le contexte de ces changements rapides qui, pour des raisons évidentes, ne peuvent se dérouler sans certaines conséquences, que l'on peut parfois entendre cette même théorie selon laquelle "l'Europe est hostile à la Russie". Bien que les arguments avancés pour soutenir cette affirmation semblent aujourd'hui beaucoup moins nuancés que ceux de Nikolay Danilevsky.

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Nikolay Danilevsky

Il n'en demeure pas moins qu'il est impossible d'ignorer cette question, car cela rendrait extrêmement difficile l'élaboration d'une politique étrangère sérieuse à long terme, étant donné le rôle prépondérant que joue l'Europe dans les affaires mondiales.

Avant de nous plonger dans le sujet, je voudrais dire quelques mots sur la question qui nous occupe. Pourquoi l'Europe devrait-elle aimer ou détester la Russie ? Avons-nous des raisons de croire que la Russie a des sentiments forts, positifs ou négatifs, à l'égard d'un autre pays ? C'est le genre de mots qui sont utilisés pour décrire les relations entre les États dans le monde moderne et interdépendant. Mais ils sont, pour la plupart, tout simplement inacceptables. Les concepts de politique étrangère de la Russie se concentrent invariablement sur la garantie de la sécurité, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale du pays et sur la création de conditions extérieures favorables à son développement progressif.

La Russie et l'Europe ont une longue histoire qui remonte à plusieurs siècles. Et il y a eu des guerres et des périodes de coopération mutuellement bénéfique tout au long de cette histoire. Quoi qu'on en dise, la Russie est une partie inséparable de l'Europe, tout comme l'Europe ne peut être considérée comme "complète" sans la Russie.

Il est donc essentiel d'orienter le potentiel intellectuel non pas vers la destruction, mais plutôt vers la formation d'un nouveau type de relation, qui reflète les réalités actuelles.

À l'aube du XXIe siècle, il était clair pour tout le monde que, pour des raisons objectives, la Russie ne pourrait pas devenir un membre à part entière des associations militaires, politiques et économiques qui existaient en Europe à l'époque, c'est-à-dire l'Union européenne et l'OTAN. C'est pourquoi des mécanismes ont été mis en place pour aider les parties à établir des relations et à coopérer dans divers domaines. Les relations bilatérales se sont ainsi considérablement développées en quelques années seulement. L'Union européenne est devenue le principal partenaire économique étranger de la Russie, et des canaux de coopération mutuellement bénéfiques dans de nombreux domaines se sont créés.

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Cependant, les relations UE-Russie se sont enlisées ces dernières années. En fait, une grande partie des progrès qui avaient été réalisés sont maintenant annulés. Et les sentiments positifs ou négatifs à l'égard l'un de l'autre n'ont rien à voir avec cela. Cela est dû au fait que les parties ont perdu une vision stratégique de l'avenir des relations bilatérales dans un monde en rapide évolution.

S'exprimant lors du Forum économique mondial de Davos, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a déclaré que la Russie faisait partie de l'Europe et que, culturellement, la Russie et l'Europe ne faisaient qu'une seule et même civilisation. C'est la prémisse de base - qui ne repose pas sur des émotions - qui devrait sous-tendre la politique de la Russie dans ses relations avec l'Europe.

La Russie et l'Union européenne sont en désaccord sur de nombreux points, mais la seule façon de surmonter les malentendus et de trouver des possibilités d'aller de l'avant est le dialogue. Dans ce contexte, la récente visite du Haut Représentant de l'UE à Moscou a été un pas nécessaire dans la bonne direction, malgré les critiques que cette démarche a reçues de la part de la partie européenne. Personne ne s'attendait à des "percées" de la part de la visite, car les animosités et les malentendus entre les deux parties étaient trop profonds. Pourtant, les visites et les contacts de ce type devraient devenir la norme, car sans eux, nous ne verrons jamais de réels progrès dans les relations bilatérales.

Outre les questions qui figurent actuellement à l'ordre du jour des deux parties, l'attention devrait se concentrer sur l'élaboration d'une vision stratégique de ce que devraient être les relations UE-Russie à l'avenir, ainsi que sur les domaines d'intérêt mutuel. Par exemple, il est grand temps que l'Europe et la Russie abordent le sujet de la compatibilité de leurs stratégies énergétiques respectives, ainsi que les conséquences possibles de l'introduction de l'"énergie verte" en Europe en termes de coopération économique avec la Russie. Sinon, il sera trop tard, et au lieu d'un nouvel espace de coopération mutuellement bénéfique, nous aurons encore un autre problème insoluble.

Dans son ouvrage La Russie et l'Europe, Nikolay Danilevsky, tout en reconnaissant le bien que Pierre le Grand avait fait pour son pays, lui reprochait de "vouloir à tout prix faire de la Russie l'Europe". Personne ne ferait de telles accusations aujourd'hui. La Russie est, a été et sera toujours un acteur indépendant sur la scène internationale, avec ses propres intérêts et priorités nationales. Mais la seule façon de les réaliser pleinement est que le pays mène une politique étrangère active. Et l'une des priorités de cette politique est les relations avec l'Europe.

mercredi, 24 février 2021

La mission impossible de l’OTAN

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La mission impossible de l’OTAN

Par Finian Cunningham

(revue de presse : Information Clearing House – 18/2/21)*

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

Il semblerait que les ministres de la défense de l’OTAN se soient réunis cette semaine pour chercher à redéfinir et actualiser la mission de l’alliance militaire. Dit plus simplement, l’organisation cherche désespérément une raison d’être pour son existence. 

Ce bloc militaire de 30 nations dispose d’un budget annuel de plus de mille milliards de dollars, dont les trois quarts sont versés par les Etats-Unis, soit $740 milliards dépensés sur sa propre force. 

La visioconférence qui s’est tenue cette semaine représentait la première prise de contact officielle de l’administration Biden avec les alliés de l’OTAN. Lloyd Austin, le secrétaire américain de la Défense s’est adressé au forum en insistant sur la priorité donnée par le président Biden au renforcement des relations avec les alliés, relations qui s’étaient largement dégradées sous l’administration Trump. 

C’est la même vielle rengaine maintes fois rabâchée par Washington dans le passé : les alliés de l’OTAN doivent dépenser toujours plus pour contrer les prétendues menaces de la Russie et de la Chine. Le même vieux disque rayé.

La seule différence tient dans le style et non le contenu. Alors que Trump demandait de façon rude et acerbe que les membres de l’OTAN injectent plus d’argent, l’administration Biden opte pour une rhétorique plus polie, caressant dans le sens du poil l’importance ‘du partenariat transatlantique’ et promettant d’être plus inclusif dans la prise de décision stratégique. 

Mais, c’est essentiellement la même escroquerie : les Etats-Unis exhortent les états européens à dépenser plus d’argent pour soutenir le complexe militaro-industriel qui maintient artificiellement en vie le défunt système capitaliste. Les Américains ont besoin que les Européens leur achètent des avions de guerre et des systèmes balistiques pour que le capitalisme américain puisse continuer à vivre.

C’est une position difficilement tenable en ce moment, alors que les difficultés économiques se font ressentir et d’énormes défis sociaux apparaissent. Comment justifier une dépense annuelle de mille milliards de dollars sur des machines de guerre improductives ? 

Il va de soi que les soutiens de l’OTAN, essentiellement les Américains, se doivent de réinventer des ennemis comme la Chine et la Russie pour justifier l’existence d’une économie militaire aussi extravagante, sans quoi elle serait vue comme une utilisation insensée et préjudiciable des ressources d’un pays. Ce qu’elle est. 

Cela dit, ce petit jeu de l’épouvantail a de sérieux défauts conceptuels. Le tout premier est que ni la Russie ni la Chine ne sont des ennemis cherchant à détruire les pays occidentaux. Deuxièmement, cette histoire ne tient pas logiquement. Le budget militaire total de l’OTAN est quatre fois supérieur aux budgets combinés de la Chine et de la Russie. Et on voudrait nous faire croire que ces deux pays menacent un bloc de 30 nations alors qu’ils ne dépensent qu’une fraction du budget de l’OTAN en dépenses militaires. 

Autre problème conceptuel pour les VRP de l’OTAN : l’organisation est née il y a huit décennies, au début de la guerre froide. Aujourd’hui, le monde est très différent et reflète une intégration multipolaire croissante tant économique que politique, ou au niveau des communications. 

Les chiffres du commerce publiés cette semaine montre que la Chine a surpassé les Etats-Unis en devenant le premier partenaire commercial de l’Union Européenne. 

La Chine, la Russie, et cette tendance à la coopération économique eurasienne représentent le futur du développement mondial. Malgré leur complaisance occasionnelle envers Washington, les Européens le savent. A la fin de l’année dernière, l’Union Européenne a conclu un accord d’investissement historique avec la Chine, et ce en dépit des objections de Washington. 

Cela sonne en effet le glas du harcèlement américain, qui voyait les Etats-Unis exhorter ses alliés de l’OTAN en inventant des histoires effrayantes d’ennemis étrangers. Le monde ne peut plus se permettre ce gâchis éhonté de ressources face à des besoins sociaux bien plus importants. Il devient de plus en plus difficile de vendre politiquement cette escroquerie qu’est l’OTAN. 

Ce “monde du Mal” dépeint par les conspirationnistes américains ne correspond en rien à la réalité que perçoivent la majorité des gens. Oui, il y a encore des irréductibles de la guerre froide qui rodent encore en Europe, tel que le secrétaire général de l’OTAN le général Jens Stoltenberg et les politiciens russophobes polonais et baltes, mais ils représentent des minorités à la marge. 

La plupart des citoyens est consciente que l’OTAN est une relique du passé, qu’elle n’a plus de raison d’être dans le monde d’aujourd’hui, et face à tous les besoins sociaux pressants, la France et l’Allemagne, les moteurs les plus puissants de l’économie européenne, ont de moins en moins d’inclination vers Washington, même dirigé par un président démocrate apparemment plus amical. 

L’administration Biden peut paraitre plus crédible et cordiale que celle de Trump, mais demander aux autres de dépenser plus militairement et d’antagoniser des partenaires commerciaux vitaux que sont la Chine et la Russie est mission impossible pour une OTAN menée par les Etats-Unis. 

Finian Cunningham a beaucoup écrit sur les relations internationales, et a été publié en plusieurs langues. Pendant près de 20 ans, il a travaillé comme éditeur et rédacteur pour les médias d’information les plus importants, y compris The Mirror, Irish Times et l’Independent. 

Source : Information Clearing House

Traduction et Synthèse: Z.E

mardi, 23 février 2021

Extraterritorialité du droit américain: que doit faire l’Europe?

par Christopher Coonen, Secrétaire général de Geopragma

Ex: https://geopragma.fr

Alors que l’administration Biden s’installe au pouvoir aux Etats-Unis, un sujet stratégique revient au centre des relations transatlantiques : l’extraterritorialité du droit américain et de fait, son illégitimité. 

Ironiquement, cette histoire commence en 1977, lorsque le Congrès vote la loi du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) pour combattre et sanctionner les pratiques frauduleuses de certaines sociétés américaines dans l’attribution de marchés ou contrats internationaux. Depuis, cette loi a évolué pour définir des standards internationaux en conférant aux USA la possibilité de définir des normes applicables à des personnes, physiques ou morales, non américaines, sur leur propre territoire. Cette pratique a été enrichie au fil du temps par les lois Helms-Burton et D’Amato-Kennedy ou encore l’International Traffic in Arms Regulations (ITAR).

Celles-ci permettent aux autorités américaines, notamment le Department of Justice (DOJ) et la Securities and Exchange Commission (SEC), de sanctionner des entreprises ayant commis, véritablement ou non, des faits de corruption internationale pouvant se rattacher au pouvoir juridictionnel des Etats-Unis. Le lien peut être une cotation de l’entreprise sur les places boursières new-yorkaises du NYSE ou du NASDAQ, le transit d’emails ou de données via des serveurs situés aux USA, ou même un simple paiement en dollars direct ou même par effet de change subreptice au cours d’un transfert de fonds. 

Chacun mesure bien aujourd’hui que l’extraterritorialité est un outil juridique mais surtout géopolitique, diplomatique et économique sans commune mesure, dont seuls les Américains sont détenteurs jusqu’à présent, en l’utilisant à des fins purement hégémoniques et d’interdiction d’accès à certains marchés, l’imposition de l’extraterritorialité du droit américain jouant ici le rôle d’un redoutable avantage concurrentiel. Car ils possèdent aussi une arme redoutable au travers du dollar : à l’échelle planétaire, la moitié des échanges commerciaux se font en USD, 85% du change de devises inclue le dollar, 75% des billets de 100 dollars en circulation le sont hors des Etats-Unis, et le dollar représente toujours 60% des réserves de devises des banques centrales ; à noter que l’euro se positionne fortement en deuxième place avec 20% de ces réserves (source : FMI).  

Les Etats-Unis décident unilatéralement et en toute impunité d’interdire aux autres Etats ou personnes, quels qu’ils soient de commercer avec un Etat tiers, comme c’est le cas avec l’Iran aujourd’hui et comme ce fut le cas pour Cuba en 1996. Avec potentiellement de lourdes amendes et l’exclusion du marché américain à la clé. Ces lois ont permis aux Etats-Unis de sanctionner abusivement plusieurs entreprises européennes : Siemens, Technip, Alstom, Daimler, ou encore BNP Paribas et son amende record de 8,9 milliards de dollars en 2015. En 2018, Sanofi a été contrainte de régler une amende de plus de 20 millions de dollars au titre du FCPA. Dernière affaire en date, Airbus a été sommé de payer une amende de 3,6 milliards de dollars en 2020.

Ces mesures prises par les Etats-Unis sont évidemment contestables au regard du droit international parce qu’elles étendent la juridiction de leurs lois à tout autre pays. C’est en fait de l’abus de position dominante, l’importance du marché américain permettant à Washington de faire du chantage politico-économique. Pour revenir à l’exemple iranien, les sanctions affectent directement la souveraineté de tous les Etats tiers. Y compris des entités supranationales comme l’Union européenne, contraintes de respecter des sanctions qu’elles n’ont pas décidées et qui sont le plus souvent contraires à leurs intérêts. Le retrait capitalistique et opérationnel de Total des champs gaziers de South-Pars au profit des Chinois en est le plus parfait exemple.

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A cet effet et en réaction à la réimposition des sanctions américaines sur l’Iran, l’Union européenne a lancé un mécanisme de paiement par compensation dit “INSTEX”. Ce montage financier isolerait tout lien avec le système monétaire américain, de manière à n’exposer aucune transaction aux sanctions américaines. En théorie, il pourrait à terme permettre aux entreprises européennes de poursuivre librement des échanges commerciaux avec l’Iran. Cependant, en pratique, il semble aujourd’hui sans grande portée, n’ayant été utilisé que très rarement et pour des opérations de troc. Afin de préserver leur rôle dans le commerce international, les entreprises européennes ont jusqu’à maintenant préféré se conformer aux sanctions américaines. Et elles redoutent aussi un désintérêt des investisseurs américains ou étrangers qui peuvent constituer une part importante de leur actionnariat.

Par contraste, les lois européennes n’opèrent des blocages visant des sociétés américaines que dans le cadre d’opérations de fusions ou d’acquisitions qui ont une influence directe sur le marché européen et sur la concurrence européenne. Ce fut le cas en 2001 entre General Electric et Honeywell. Lorsque des décisions sont rendues, elles le sont au même titre qu’à l’encontre des entreprises européennes, sans traitement différencié. Et elles ne prévoient pas de sanctions. L’effet en est donc limité, proportionné et conforme au droit international.

Sur ce sujet aussi, l’Europe doit arrêter de se laisser faire, cesser d’être la vassale des Etats-Unis et opérer un grand sursaut. Elle a plusieurs options pour le faire.

Elle peut mettre en place un arsenal juridique équivalent – un OFAC européen – qui sanctionnerait les personnes morales ou physiques américaines, et protègerait les sociétés et personnes physiques européennes d’amendes ou de sanctions extraterritoriales d’outre-Atlantique. 

Elle doit utiliser pleinement le RGPD qui protège les données de personnes morales ou physiques européennes en déjouant ainsi l’extraterritorialité des lois US, et contrecarrer les lois « Cloud Act I et II » adoptées par le Congrès qui permettent l’accès aux données des utilisateurs européens via des sociétés américaines, notamment dans le secteur numérique. Compte tenu des parts de marché écrasantes des GAFAM, et de l’importance croissante des données visées par les lois américaines, ceci est nécessaire et frappé au coin du bon sens.

Enfin, l’Europe et les groupes européens doivent mettre la pression dans le cadre de leurs échanges commerciaux en exigeant le règlement des contrats en euros et non plus en dollars.

Ce n’est donc plus une question de « pouvoir faire », mais de volonté et d’urgence, bref de « devoir faire ». L’Europe doit s’armer et démontrer sa souveraineté, en prenant notamment au pied de la lettre l’intention déclarée du 46ème président des Etats-Unis de renouer avec une politique étrangère multilatérale et équilibrée avec ses alliés transatlantiques. Si ce ne sont pas là que des déclarations d’intentions lénifiantes, alors nous pouvons légitimement invoquer la réciprocité comme première marque de respect.  

 

dimanche, 21 février 2021

Quatre dames au Capitole

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Quatre dames au Capitole

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

À côté de la victoire trafiquée et usurpée de « Papy Gâteux » Biden, les élections du 3 novembre 2020 ont été marquées par la perte de treize sièges à la Chambre des représentants détenus par les démocrates à l’avantage des républicains. Le Parti républicain a connu à cette occasion une hausse des suffrages en sa faveur de 2,9 %. Parmi les 435 représentants élus pour la 117e législature, focalisons-nous sur quatre femmes, trois républicaines et une démocrate.

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Alexandra Ocasio-Cortez.

Élue pour la première fois en 2018 dans le 14e district congressionnel (circonscription législative) de l’État fédéré de New York, Alexandra Ocasio-Cortez (ou AOC) fut à 29 ans la plus jeune membre de l’histoire du Congrès. Réélue pour un nouveau mandat malgré la progression notable de son adversaire républicain (de 19 202 à 46 877 suffrages), AOC milite chez les Socialistes démocrates d’Amérique et appartient au Congressional Progressive Caucus, la tendance la plus à gauche des démocrates. Soutien public du sénateur socialiste indépendant du Vermont Bernie Sanders pendant les deux dernières primaires, elle fut en pointe contre l’administration Trump. Favorable aux minorités raciales et sexuelles, cette Latina de 31 ans soutient un Green New Deal écolo-féministe, inclusif et multiculturaliste. Elle a publiquement regretté d’être dans le même parti que Joe Biden. Sera-t-elle pour autant une vigie attentive du pacifisme inhérent à la gauche étatsunienne ? Pas sûr qu’elle qui a révélé en 2018 avoir parmi ses aïeux un juif sépharade originaire d’Espagne, rejette le bellicisme « démocratique » déjà pratiqué par Bush père, Clinton, Bush fils et Obama.

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Liz Cheney.

Bien que représentante républicaine du Wyoming, Elizabeth « Liz » Cheney peut se retrouver en phase avec la diplomatie va-t’en-guerre du nouveau président. La fille aînée de Richard « Dick » Cheney, le vice-président le plus puissant de l’histoire des États-Unis sous George W. Bush (2001 – 2009), appartient au camp des « faucons néo-conservateurs » du GOP. Sa détestation pathologique de la Russie n’a d’équivalent que son soutien inconditionnel pour le seul État nucléaire du Proche-Orient. Opposée au mariage gay, elle s’est brouillée avec sa sœur cadette Mary, lesbienne notoire. Réélue avec 68,7 %, elle inaugure son troisième mandat consécutif en votant avec neuf autres renégats républicains la seconde mise en accusation pour destituer Donald Trump. Si 145 de ses pairs républicains (contre 60) ont finalement maintenu son rang de n° 3 du groupe, l’appareil républicain du Wyoming désavoue son vote et envisage de lui lancer aux primaires de 2022 un candidat pro-Trump…

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Lauren Boebert.

Inscrite chez les démocrates jusqu’en 2007, Lauren Boebert devient à 34 ans la représentante du 3e district du Colorado. Cette chrétienne évangélique écarte aux primaires le républicain sortant Scott Tipton avec 54,6 % avant de l’emporter face à la démocrate Diane Mitsch Bush (51,27 %). S’affichant en alternative conservatrice à Alexandra Ocasio-Cortez, Lauren Boebert a rallié le Freedom Caucus, la faction la plus à droite de la Chambre, ainsi que le Second Amendment Caucus, le groupe parlementaire qui défend le port d’arme. Vivant à Rifle la bien nommée (rifle signifiant « fusil » en anglais), elle tient depuis 2013 un restaurant, le Shooter Grill, dont les serveuses peu vêtues portent à la hanche une arme chargée. Hostile aux restrictions sanitaires, la future représentante brave les autorités locales en gardant son restaurant ouvert. Son refus de se soumettre aux injonctions du politiquement correct électrise aussi bien ses sympathisants que ses adversaires.

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Marjorie Taylor Greene.

Cependant, Lauren Boebert n’est pas la cible prioritaire de l’Establishment politico-médiatique. Ce dernier préfère attaquer Marjorie Taylor Greene. Élue à 46 ans du 14e district de Géorgie, l’une des circonscriptions les plus conservatrices du pays, cette républicaine du Freedom Caucus ne cesse d’être insultée par une presse aux ordres qui la traite de « complotiste » proche de QAnon. Son traitement systématique défavorable relève de la misogynie, de la blondophobie et de la haine anti-blanche. Bête noire des démocrates et des républicains les plus falots, elle vient de perdre sa place aux commissions du budget, de l’éducation et du travail. Ses détracteurs lui reprochent ses positions pro-vie et ses doutes sur certains évènements ou faits-divers récents. Elle qualifie les antifas de « terroristes intérieurs »; elle s’en prend aux officines financées par George Soros et ose critiquer les séditieux de Black Lives Matter. Forte des 74,7 % obtenus contre le candidat démocrate et de ses 40,3 % dès le premier tour de la primaire, Marjorie Taylor Greene a enfin cosigné l’acte d’accusation pour la destitution de… Joe Biden. Les gauchistes manœuvrent dans les couloirs du Congrès afin que les deux tiers de la Chambre des représentants votent son exclusion. Elle a déjà contre elle une dizaine de républicains dont – surprise ! – l’ineffable Liz Cheney. Le chef des républicains au Sénat, le cacochyme sénateur du Kentucky, Mitch Mc Connell, l’a aussi dans le collimateur.

Avec un personnel politicien centriste et belliciste aussi nul à l’instar de Liz Cheney, les États-Unis sont bien mal en point. Fort heureusement, dans une perspective clausewitzienne de montée aux extrêmes, gageons qu’Alexandra Ocasio-Cortez, Lauren Boebert et Marjorie Taylor Greene resteront fidèles à leurs électorats respectifs et porteront jusqu’à l’incandescence la guerre culturelle en cours.

Georges Feltin-Tracol.

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 202, mise en ligne sur TVLibertés, le 16 février 2021.

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samedi, 20 février 2021

L'objectif de Mario Draghi : déclencher la "destruction créatrice" du marché

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L'objectif de Mario Draghi : déclencher la "destruction créatrice" du marché

par Thomas Fazi

Source : La Fionda &

https://www.ariannaeditrice.it

Nombreux sont ceux qui se demandent quelle philosophie de politique économique inspirera le gouvernement Draghi en passe de gérer les affaires de l’Italie. Plusieurs commentateurs - se basant sur une interprétation absolument fallacieuse du travail de Draghi à la BCE (l'idée que les politiques monétaires expansives représentent une politique "keynésienne"), se basant également sur un de ses articles désormais célèbres d'il y a quelques mois paru dans le Financial Times, où Draghi a apuré la dette publique (la "bonne") ; et dans certains cas, en se référant même à ses études sous la houlette de l'un des plus grands économistes keynésiens du siècle dernier, Federico Caffè - semblent convaincus que Draghi va évoluer dans le sillage d'une politique substantiellement expansive, voire, précisément, "keynésienne". En bref, une politique opposée à l'austérité de Monti.

Mais c'est Draghi lui-même qui contredit ces prévisions iréniques dans son dernier communiqué public, à savoir le tout récent rapport sur les politiques post-COVID élaboré par le G30 - officiellement un groupe de réflexion, fondé à l'initiative de la Fondation Rockefeller en 1978, qui fournit des conseils sur les questions d'économie monétaire et internationale, selon de nombreux centres de lobbying de la haute finance - présidé par Draghi lui-même avec Raghuram Rajan, ancien gouverneur de la banque centrale indienne.

Il indique clairement que les gouvernements ne devraient pas gaspiller de l'argent pour soutenir des entreprises malheureusement vouées à l'échec, définies dans le rapport comme des "entreprises zombies" - pensez par exemple, en ce qui concerne l'Italie, aux centaines de milliers de magasins et d'établissements publics mis à genoux par la pandémie et ses mesures de confinement. Entreprises qui ne sont que partiellement soutenues par une "aide" gouvernementale insuffisante. Pour ce rapport, les mesures à prendre devraient plutôt accompagner la "pandémie" et plutôt s'adonner à la "destruction créatrice", propre du marché libre, en laissant ces entreprises à leur sort et en encourageant le déplacement des travailleurs vers les entreprises vertueuses qui continueront à être rentables et à prospérer après la crise.

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La thèse de base est, d’abord, que le marché devrait être laissé libre d'agir (parce qu'il est plus efficace que le secteur public) et, ensuite, que les gouvernements devraient se limiter à intervenir uniquement en présence de "défaillances du marché" manifestes - un concept intrinsèquement libéral qui indique un écart par rapport à l'"efficacité" normale du marché - tandis que lorsqu'il s'agit d'une entreprise qui échoue en raison du fonctionnement "naturel" du marché, l'État ne devrait pas s'interposer.

Le document du G30 se concentre également sur le marché du travail, en écrivant que "les gouvernements devraient encourager les ajustements du marché du travail [...] qui obligeront certains travailleurs à changer d'entreprise ou de secteur, avec un recyclage approprié et une aide économique". Le message est clair : les gouvernements ne doivent pas essayer d'empêcher l'expulsion de la main-d'œuvre des entreprises vouées à la faillite, comme l'Italie et plusieurs autres pays ont essayé de le faire jusqu'à présent, en partie grâce à un gel des licenciements (qui doit expirer en mars) et à l'utilisation généralisée des fonds de licenciement. Ils devraient plutôt aider et faciliter ce processus pour permettre au marché de prévoir une allocation "efficace" des ressources (y compris des êtres humains).

Comme le note l'économiste Emiliano Brancaccio, nous sommes confrontés à "une vision schumpétérienne à la sauce libérale qui risque de laisser un flot de chômeurs dans la rue", et de plonger des centaines de milliers de petits et moyens entrepreneurs dans le désespoir. Autre que celle de Keynes (ou de Caffè!), la vision de l'économie et de la société incarnée dans le document du G30 - et implicitement épousée par Draghi - semble rappeler l'idéologie libéraliste des premiers temps, étouffée à juste titre après la Seconde Guerre mondiale, dans laquelle les relations sociales, la vie des gens, l'essence même de la société étaient subordonnées à un seul principe régulateur, celui du marché.

Ce point de vue est non seulement exécrable d'un point de vue éthique et moral, mais il est également faux : il n'existe pas de marché qui fonctionne "en dehors" de l'État, sur la base de sa propre logique d'autorégulation, par rapport auquel l'État peut décider d'intervenir ou non ; les marchés, au contraire, sont toujours un produit du cadre juridique, économique et social créé par l'État. En d'autres termes, il n'y a rien de "naturel" dans le fait qu'une certaine entreprise échoue plutôt qu'une autre. Si aujourd'hui les petites entreprises risquent de fermer, alors que les grandes multinationales réalisent des profits faramineux, ce n'est que la conséquence du fait qu'en tant que société, nous nous sommes donné un principe d'organisation - que Draghi vise aujourd'hui à renforcer - qui favorise les grandes entreprises privées par rapport aux petites entreprises familiales. Mais c'est un choix politique.

Il va sans dire que la vision de la société du G30 et de Draghi est littéralement aux antipodes de la vision de Keynes et de Caffè - ainsi que de celle incarnée dans notre Constitution, qui est sur le point d'être violée à nouveau - selon laquelle la tâche de l'État est de dominer et de gouverner les marchés, et leur travail destructeur, en les subordonnant à des objectifs de progrès économique, social, culturel et humain.

Ayez au moins la décence de ne pas mettre leur nom à côté de celui de Draghi.

Nouveaux textes sur le site "Strategika.fr" de Pierre-Antoine Plaquevent

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Nouveaux textes sur le site "Strategika.fr" de Pierre-Antoine Plaquevent
 
Chers amis, 
 
En ce moment sur notre site.
 
Bien amicalement, 
 
Pierre-Antoine Plaquevent 
 
Gouvernement Draghi et Lega : trahison ou réalisme politique ?
Le feu vert de Matteo Salvini au gouvernement de Mario Draghi interroge le milieu souverainiste. Pour comprendre ce nouveau positionnement, il faut d’un côté prendre acte du contexte international défavorable au populisme (défaite de Trump, Covid-19) et de l’autre, se pencher sur la structure interne de la Lega, dont l’un des courants sera d'ailleurs représenté dans l’équipe de Mario Draghi.
https://strategika.fr/2021/02/20/gouvernement-draghi-et-l...

Passeport vaccinal : des “bulles de voyage” entre la Grèce et Israël
Avec ces “bulles”, les multinationales et leurs succursales étatiques ont trouvé là un bon moyen pour recomposer les frontières des nations selon des intérêts privés ou supranationaux.
https://strategika.fr/2021/02/19/covid-19-des-bulles-de-v...

La quatrième phase de Schwab :
"La crise covid-19 est, en comparaison, une petite perturbation par rapport à une cyberattaque grave"
https://strategika.fr/2021/02/17/la-quatrieme-phase-de-sc...

Vaccination, ralentissement de la pandémie de Covid-19 : le point hebdo du Général Delawarde
https://strategika.fr/2021/02/16/vaccination-ralentisseme...

Comment Soleimani a convaincu Poutine d’aider Damas
https://strategika.fr/2021/02/10/comment-soleimani-a-conv...

Otan: Le Centre d’excellence pour l’espace sera implanté à Toulouse
https://strategika.fr/2021/02/06/otan-le-centre-dexcellen...
 

jeudi, 18 février 2021

Eurocrate et atlantiste : Draghi dicte la nouvelle politique étrangère de l'Italie

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Eurocrate et atlantiste : Draghi dicte la nouvelle politique étrangère de l'Italie

Par Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com

Un gouvernement eurocratique et atlantiste. Avec ces mots, Mario Draghi définit la politique étrangère de son gouvernement et envoie un message adressé non seulement aux alliés du gouvernement, mais aussi à ceux qui se trouvent hors d'Italie. Il y a un pays, l’Italie, qui, pour Draghi, doit confirmer les lignes directrices qui ont caractérisé la diplomatie de Rome depuis des décennies. Et Draghi répond aux attentes d'un exécutif qui est clairement né avec la bénédiction de Washington et de Berlin (et de Bruxelles). Les deux capitales de l'Occident politique, celle de l'Amérique et celle de l'Europe, regardent très attentivement ce qui se passe au Palazzo Chigi, conscientes que l'Italie est un pays que personne ne peut ou ne veut perdre. Les États-Unis pour des questions stratégiques, l'Allemagne pour des raisons économiques et donc politiques.

Ces dernières années, l'Italie est apparue très erratique sur les questions clés de sa politique étrangère. Ce n'est pas nécessairement un défaut, mais ce n'est pas non plus une vertu. Très souvent, le fait d'être ambigu est pris pour une forme de politique non alignée ou pour un signe d'indépendance. Cependant, ce qui semble presque être un appel à une diplomatie de type "primo-public" cache très souvent (et dissimule) l'incapacité à suivre une certaine voie qui conduirait à des avantages évidents. Giuseppe Conte, en changeant de majorité, a certes modifié profondément sa façon de faire de la politique étrangère : mais cela n'a pas suffi à donner des garanties aux pouvoirs qui se portent garants de l'Italie sur la scène internationale. Une question qui a pesé comme un roc dans la politique d'un gouvernement déjà miné par des problèmes internes.

Draghi est arrivé au Palazzo Chigi avec un arrière-plan précis. Et les lignes qu'il dicte révèlent encore plus la faveur avec laquelle il est revenu à Rome. L'axe entre le Palazzo Chigi et le Quirinal, qui a façonné ce gouvernement né des cendres de la coalition jaune-rouge, repose sur une ligne programmatique qui s'articule autour de trois éléments clés : l'OTAN, l'Union européenne et l'idée d'un pays qui représente ces blocs en tant que pilier méditerranéen. Les propos du Premier ministre confirment cette ligne par une phrase qui ne laisse aucun doute : "Dans nos relations internationales, ce gouvernement sera résolument pro-européen (eurocratique) et atlantiste, en accord avec les ancrages historiques de l'Italie : l'Union européenne, l'Alliance atlantique, les Nations unies".

Sur le front européen, il est clair que le gouvernement Draghi est né dans un système profondément lié à la vision unitaire de l'Europe. Le curriculum de Draghi, dans ce sens, ne peut certainement pas être sous-estimé étant donné qu'en tant que président de la Banque centrale européenne, il a sauvé l'euro d'une crise potentiellement explosive et a répété, dans son discours au Sénat, qu’il fallait considérer l'euro comme irréversible. Ces orientations économiques et financières vont également de pair avec une politique étrangère au sein de l'UE qui apparaît immédiatement très précise, et qui ne doit pas être sous-estimée. L'idée d'affirmer que la France et l'Allemagne sont les premiers référents au sein du continent, en distinguant clairement Paris et Berlin des autres gouvernements méditerranéens (expressément l'Espagne, Malte, la Grèce et Chypre) construit une frontière bien définie du réseau stratégique italien. Avec la France et l'Allemagne, on a l'impression qu'ils veulent créer des canaux sûrs et directs qui impliquent une entrée progressive de l'Italie dans les choix communautaires, ce que le politologue Alain Minc, conseiller de Macron, a également rappelé dans son interview au journal La Repubblica. En effet, Minc a également lancé une blague sans surprise sur la déception espagnole face à l'arrivée de Draghi, étant donné que l'objectif de Madrid est de saper la position de Rome en tant que troisième capitale de l'UE.

Ces piliers européens, ainsi que les piliers atlantiques, représentent la position diplomatique du gouvernement lancée ces dernières semaines. Des lignes rouges qui ouvrent la porte à un scénario de repositionnement également vis-à-vis de la Chine, jamais mentionnée dans le texte alors même qu’elle est un partenaire fondamental du pays. La Russie et la Turquie ont certes été mentionnées – mais une seule fois pour parler des tensions dans leurs environnements et en Asie centrale. Un choix qui ne peut pas être seulement dialectique : pour Draghi, l'Italie n'a qu'une seule appartenance, qui est celle de l'aire atlantique et de l'Europe eurocratique. La Chine est un partenaire commercial inévitable, mais en évitant d'en parler dans son discours programmatique, il montre aussi clairement qu'elle n'a aucune valeur stratégique au contraire de l'Amérique, de l’Union européenne et de pays avec lesquels l'Italie a une profonde connaissance économique, politique, d'intelligence et de contrôle de la Méditerranée.

Par conséquent, s'il est clair que, pour Rome, les relations avec Berlin et Paris restent essentielles pour renforcer un projet européen qui implique également notre gouvernement, en évitant qu'Aix-la-Chapelle ne dicte totalement la ligne sur les changements en Europe, l'Italie se tourne également vers la Méditerranée, étant donné que le Premier ministre a affirmé au Sénat qu'il voulait "consolider la collaboration avec les États avec lesquels nous partageons une sensibilité méditerranéenne spécifique".

Cette question est particulièrement importante car elle permet également de comprendre comment la géopolitique italienne évolue dans une période de transition aussi complexe dans la zone euro-méditerranéenne. Pour les États-Unis et l'Union européenne, la Méditerranée représente une ligne de faille qui divise un monde occidental affaibli par la crise et une zone de chaos (la revue géopolitique Limes la définit notamment comme Chaoslandia) qui comprend une grande partie de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient et où plusieurs puissances moyennes et grandes sont impliquées. L'Italie est au centre, la dernière bande d'un bloc en quête de sa nouvelle vocation après l'effondrement de l'URSS et avec une Amérique qui tente de se recentrer sur la Chine tout en évitant d'abandonner le théâtre européen et moyen-oriental. Cette condition implique que Rome doit choisir ses meilleurs alliés avec le plus grand soin, car il est clair que dans ce jeu il n'y a pas de tirage au sort : il y a des gagnants et des perdants, qu'ils soient entrants ou sortants. L'axe pro-européen et atlantiste défini par Draghi dirige l'Italie dans le sillage de ceux qui la considèrent comme la tranchée creusée face à cette frontière brûlante de l'ordre libéral international. Et cela implique clairement aussi un rôle précis cadrant dans ce schéma : à partir de la Méditerranée élargie elle-même. La Libye, le Levant et les Balkans sont des régions vers lesquelles l'Italie ne peut pas refuser de tourner les yeux. Et en attendant des gestes précis de l'administration Biden, qui a déjà fait savoir qu'elle appréciait les nouvelles orientations de l’Italie, on a l'impression que le Palazzo Chigi, le Quirinal et la Farnesina (qui est en fait "commandée" par la ligne Draghi-Mattarella) ont désormais un horizon parfaitement en ligne avec les mouvements de l'OTAN et de l'UE.

mercredi, 17 février 2021

L’obsession des États-Unis pour leurs narratives vont les faire entrer en collision avec la réalité

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L’obsession des États-Unis pour leurs narratives vont les faire entrer en collision avec la réalité

Ex: Moon of Alabama

Le cirque qu’a été cette mise en scène de « l’impeachment de Trump » se termine et la réalité peut maintenant reprendre sa place :

Maintenant que le procès pour la destitution de son prédécesseur est terminé, le 
président Biden va rapidement faire pression pour faire adopter son plan d'aide
aux victimes du coronavirus, d'un montant de 1 900 milliards de dollars, avant
de passer à un programme encore plus important au Congrès qui comprend les
infrastructures, l'immigration, la réforme de la justice pénale, le changement
climatique et les soins de santé. Après le spectacle qu’a été ce conflit constitutionnel, le nouveau président
"occupe maintenant le devant de la scène d'une manière que les premières
semaines n'ont pas permis"
, a déclaré Jennifer Palmieri, qui a été directrice
de la communication de l'ancien président Barack Obama. Selon elle, la fin
du procès signifie que "2021 peut enfin commencer".

« Attendez ! » crie l’industrie médiatique. Cela ne correspond pas à notre scénario. Le côté « gauche » des médias est là pour accuser Trump chaque minute qui passe et le côté « droit » est là pour condamner constamment la « gauche » pour s’en prendre à Trump. Au cours des cinq dernières années, ce système a produit des taux d’audience record pour tout le monde.

Wolf Blitzer @wolfblitzer - 16:11 UTC - Feb 15, 2021

Le procès Trump est terminé, mais les enquêtes locales, étatiques et fédérales 
se poursuivent. Il pourrait y avoir une commission de type 11 septembre. Les
organisations de presse continuent d'enquêter. Et @realBobWoodward travaille
à un livre sur les derniers jours de Trump. En résumé : nous allons en apprendre
beaucoup plus.

« Je vous ai entendu », répond Nancy Pelosi. Et quel meilleur moyen de cacher que Biden poursuivra les mêmes politiques que Trump (mais saupoudrées de quelques charlataneries LBGTQWERTY) plutôt que de prolonger le cirque narratif :

Le Congrès va créer une commission indépendante pour enquêter sur l'attaque du 
Capitole le 6 janvier, y compris sur les faits "relatifs à l'interférence avec
le transfert pacifique du pouvoir"
, a annoncé lundi la présidente du Parlement

californien, Nancy Pelosi. ... Les appels se sont multipliés en faveur d'une enquête bipartite et indépendante
sur les manquements de l'administration et des forces de l'ordre qui ont conduit
à la première violation du Capitole depuis deux siècles, en particulier après
que le Sénat ait acquitté l'ancien président Donald J. Trump dans son procès
de destitution pour incitation aux émeutes. Pour certains législateurs, une
telle commission offre la dernière grande occasion de tenir M. Trump pour
responsable.

Oui Nancy, enquêtons sur cette question et sur d’autres du même genre : Pourquoi la demande du chef de la police du Capitole  du renfort d’une garde nationale a-t-elle été refusée avant l’émeute ? demandent les républicains à Nancy Pelosi.

Garder un œil sur Trump est bien sûr le meilleur moyen de garantir que les Républicains continueront à s’en tenir à son récit et qu’il reviendra :

Bien que les primaires de 2024 soient encore loin, qui sait ce qui se passera 
avec Trump dans trois mois, et encore plus dans trois ans ? - il est actuellement
en train d'écraser tout rival potentiel. 53 % des Républicains ont déclaré qu'ils
voteraient pour Trump si la primaire avait lieu aujourd'hui. Tous les autres espoirs Républicains sont dans le bas de l'échelle, à part Mike

Pence, qui a obtenu 12 % des voix. Marco Rubio, Tom Cotton, Mitt Romney, Kristi
Noem, Larry Hogan, Josh Hawley, Ted Cruz, Tim Scott et Rick Scott ont tous des
intentions de vote en dessous de 5 %. Seuls Donald Trump Jr. et Nikki Haley ont
obtenu 6 %.

Une enquête plus approfondie sur l’invasion du Capitole lors du Mardi Gras contribuera également à faire adopter de nouvelles lois sur le « terrorisme intérieur ». On sait déjà vers qui elles seront dirigées :

Thomas B. Harvey @tbh4justice 17:56 UTC - 15 février 2021  

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Le FBI arrête un manifestant BLM, affirmant que ses messages sur les médias 
sociaux montrent qu'il est "sur la voie de la radicalisation". Un juge a
déterminé qu'il est dangereux à cause de ces posts et a ordonné sa détention
sans caution. C'est vers cela que nous nous dirigeons si nous acceptons cette
histoire de terrorisme intérieur : Le FBI a mis en garde contre les attaques d'extrême droite. Ses agents arrêtent
un ex-soldat de gauche.

Bienvenue à l’ère du capitalisme de surveillance, où chaque diatribe que vous aurez publiée et qui ne correspond pas au récit officiel peut (et sera) utilisée contre vous :

Cela représente clairement une toute autre ampleur de "contrôle" - et lorsqu'il 
est allié aux techniques anti-insurrectionnelles occidentales de détournement
du récit "terroriste", mises au point pendant la "Grande Guerre contre le
terrorisme"
- il constitue un outil formidable pour freiner la dissidence,

tant au niveau national qu'international. Mais il présente cependant une faiblesse fondamentale. Tout simplement, parce qu’à cause du fait d'être si investi, si immergé, dans
une "réalité" particulière, les "vérités" des autres ne sont plus - ne peuvent
plus - être entendues. Elles ne peuvent plus fièrement se distinguer au-dessus

de la morne plaine du discours consensuel. Elles ne peuvent plus pénétrer dans
la coquille durcie de la bulle narrative dominante, ni prétendre à l'attention
d'élites si investies dans la gestion de leur propre version de la réalité. La "faiblesse fondamentale" ? Les élites en viennent à croire leurs propres récits
- oubliant que ce récit a été conçu comme une illusion, parmi d'autres, créée pour
capter l'imagination au sein de leur société (et non celle des autres). .... Les exemples sont légion, mais la perception de l'administration Biden selon

laquelle le temps a été gelé - à partir du moment où Obama a quitté ses fonctions
- et en quelque sorte dégelé le 20 janvier, juste à temps pour que Biden reprenne
tout à cette époque antérieure (comme si ce temps intermédiaire n’existait pas),
constitue un exemple de croyance en son propre mème. La stupéfaction - et la colère -
de l'UE, qui a été décrite comme "un partenaire peu fiable" par Lavrov à Moscou,
est un exemple de plus de l'éloignement des élites du monde réel et de leur captivité
dans leur propre perception. L'expression "l'Amérique est de retour" pour diriger et "fixer les règles du jeu"
pour le reste du monde peut être destinée à faire rayonner la force des États-Unis,
mais elle suggère plutôt une faible compréhension des réalités auxquelles les
États-Unis sont confrontés : Les relations de l'Amérique avec l'Europe et l'Asie

étaient de plus en plus distantes bien avant l'entrée de Biden à la Maison Blanche
- mais aussi avant le mandat (volontairement perturbateur) de Trump. Pourquoi alors les États-Unis sont-ils si systématiquement dans le déni à ce sujet ?

Les États-Unis – ou du moins leurs « élites » – ont besoin de se réveiller, de sortir de leur monde narratif et de revenir à la réalité.

L’alternative est une collision violente avec les réalités que d’autres, nationaux ou étrangers, perçoivent.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Jj pour le Saker Francophone

10:26 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 15 février 2021

La guerre "off limits" des Colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui (1999) et le "rêve chinois" (2010) du Colonel Liu Mingfu

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La guerre "off limits" des Colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui (1999) et le "rêve chinois" (2010) du Colonel Liu Mingfu

Irnerio Seminatore

 

Un dépassement du concept militaire de guerre?

Si dans la tradition occidentale la guerre comme "poursuite de la politique par d'autres moyens" (Clausewitz), associe à la finalité, conçue par la politique (Zweck), des actes de violence pour imposer à l'autre notre volonté, le concept décisif de la violence étatique et de l'action guerrière sont-ils toujours essentiels à la rationalité politique du conflit belliqueux dans la pensée militaire chinoise?

Avec le concept stratégique de "guerre sans limites" et de défense active, élaboré par les deux Colonels chinois Qiao et Wang en 1999, avons nous surmonté le concept militaire de guerre? Avons nous touché au "sens" même de la guerre, comme soumission violente de l'un par l'autre? Sommes nous passés d'une civilisation de la guerre violente et sanglante, à une ère dans laquelle l'importance de l'action non guerrière influence à tel point la finalité de la guerre comme lutte (kampf) que l'esprit, dressé contre les adversités parvient à remplacer la force par la "ruse" et à atteindre ainsi le but de guerre (Zweck)? A ce questionnement il faut répondre que, dans le manuel des Colonels Qiao-Wang nous sommes restés au niveau de la méta-stratégie et donc à l'utilisation d'armes et de modalités d'action qui distinguent en Occident, la défense passive de la défense active. Une posture stratégique n'est au niveau géopolitique qu'un mode asymétrique pour ne pas céder et ne pas se soumettre et, au niveau opérationnel et doctrinal, de mettre en œuvre un stratégie anti-accès.

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Le Général Qiao Liang.

Le livre des deux colonels de l'armée de l'air a été reçu par les analystes occidentaux comme un examen des failles de la force américaine de la part des spécialistes chinois et comme la recherche de ses talons d' Achille, à traiter par les biais de la "ruse". La "guerre hors limites" inclut, dans une conception unitaire, la guerre militaire et la guerre non-militaire et comprend tout ce qu’on a pu parfois désigner sous le terme d’opérations autres que la guerre. Dans une acception très extensive, la guerre économique, financière, terroriste, présentées avec une vision prémonitoire et anticipatrice. La guerre informatique et médiatique y fait figure de champs d'innovation ouvrant à de nouveaux théâtres d’opération, qui nécessitent d'un dépassement des objectifs de sécurité traditionnels. Dans cette "guerre omnidirectionnelle", la guerre ne sera même plus la guerre classique, car "ni l’ennemi, ni les armes, ni le champ de bataille ne seront ce qu’ils furent". Le jeu politique et militaire a changé. Dans cette situation aux incertitudes multiples, il va falloir définir une nouvelle règle du jeu (…), un produit hybride…" (Qiao-Wang), seule certitude, l’incertitude. Une recommandation toutefois pour tous! Savoir combiner le champ de bataille et le champ de non bataille, le guerrier et le non guerrier. Les préceptes de cette réflexion sont-ils encore valables aujourd’hui? (février 2021)

Du point de vue général, en aucun cas les conseils dispensés à l'époque n'ont conduit à une remise en cause de la notion de pouvoir/puissance, puisque la doctrine et la stratégie militaires de la Chine demeurent, depuis la parution de ce manuel, celles de ses principaux rivaux et visent la maîtrise de secteurs-clés des technologies avancées pour acquérir la supériorité dans une guerre locale et parvenir à une solution négociée, évitant que le risque assumé ne dégénère en conflit ouvert. Or le succès de la stratégie chinoise de contrôle des "secteurs clés" d’une campagne militaire repose sur un principe décisif: l’initiative. Cependant une succincte conclusion conduit à la considération que le "concept d'asymétrie" de la pensée et du programme de modernisation militaire chinois se situe sur le plan opérationnel et se concentre sur la capacité de saisir la supériorité dans le domaine de l'information et de l'exploitation du réseaux informatique et guère au niveau de la théorie politique ou militaire. En effet le centre de gravité des interrogations repose sur la question de fond pour la défense et la sécurité chinoise. Comment faire face à la superpuissance américaine La modernisation de l'Armée Populaire de Libération n'a pas débuté après les réformes économiques de Deng Tsiao Ping et elle n'a pas concerné la dissuasion nucléaire, qui structure étroitement la relation entre stratégie et pouvoir, mais sur les réponses à donner à la modernisation des armées, en vue d'un combat conventionnel et fut conçue comme un moyen de combler le retard et les lacunes accumulés à partir de la première guerre du Golfe (1991). Ce livre reflète les idées d'un des courants, le plus radical, qui s'est imposé dans le débat sur la modernisation des forces armées comme expression d'un pouvoir unique.

Pouvoir unique et plusieurs théâtres

Il prôna l'inutilité de songer à rattraper les États-Unis dans le domaine conventionnel et il est parvenu à la conclusion de concevoir une stratégie asymétrique et sans règles (ruse conceptuelle), pour s'opposer et réagir à la supériorité des moyens et des forces des États-Unis. La multiplication des foyers de conflit, des théâtres de confrontation et des alliances militaires dans un monde à plusieurs pôles de pouvoir, assure-t-elle encore la pertinence d'une telle analyse? Le concept de défense active, jugé insuffisant, n'a t-il pas infléchi le deux notions de Soft et de Hard Power et, par voie de conséquence, la rigidité ou la souplesse interne et extérieure du régime? Par ailleurs, dans une vision non militaire du rapport mondial des forces ne faut il pas prendre en considération, comme potentiel de mobilisation, les nouvelles routes de la soie, comme extension des moyens et d'emploi d'une autonomie stratégique globale et dépendante d'un pouvoir unique, utilisant la force et la ruse, la séduction et l'autorité? Et comment une philosophie et une  culture de l'esquive à la Sun-Tzu peut elle se traduire en posture et doctrine active, de pensée et d'action dans un contexte d'hypermodernité technologique? En revenant à l'analyse des deux Colonels chinois, la modernisation de l'ALP, envisagée dans l'hypothèse d'une confrontation avec les États-Unis, a exigé une observation attentive des avancées militaires et des talons d'Achille de la superpuissance américaine. Considérant que l'évolution de l'art de la guerre s'étend bien au delà du domaine de la pure technologie et de ses applications militaires, sur lesquelles tablent les américains, le domaine de la guerre est devenu le terrain d'une complexité brownienne, qui combine plusieurs enjeux et plusieurs objectifs, différenciant ainsi les buts de guerre. La frontière entre civil et militaire s'efface, de telle sorte que les composantes et les formes non militaires de l'affrontement, sont intégrées et annexées dans un effort beaucoup plus important, qui modifie non pas le "sens" ou la "logique (politique) de la guerre, mais sa "grammaire".

Liu Mingfu et le"Rêve Chinois" (Zhongguo meng)

imagesliumingfu.pngCe livre est par ailleurs l'illustration d'un courant nationaliste, qui n'exclut aucune hypothèse, y compris une confrontation avec les États-Unis. Cette hypothèse s'inscrit d'une part dans l'analyse des tendances stratégiques contemporaines et de l'autre dans le débat sur le destin national chinois, permettant d'accorder, au moins théoriquement, la "montée pacifique" du pays, avec la conception d'un "monde harmonieux"(ou d'un ordre politique juste et bienveillant) Cependant son point d'orgue repose sur l'idée de profiter d'une grande "opportunité stratégique", à l'ère post-américaine, dont témoigne le texte le "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, prônant la consolidation de la puissance chinoise et le rattrapage de l'Occident. En effet le rétablissement du rôle central de la Chine dans les affaires internationales, régionales et mondiales, opère dans une période d'affaiblissement des États-Unis (années 2010). Dans ce début de millénaire, l'Amérique ne serait plus "un tigre un papier", comme à l'époque de Mao Zedong, mais "un vieux concombre peint en vert" (Song Xiao JUn), de telle sorte que la Chine ne peut plus se contenter d'une "montée économique" et a besoin "d'une montée militaire".

Ainsi elle doit se tenir prête à se battre militairement et psychologiquement, dans un affrontement  pour la "prééminence stratégique". C'est "le moment ou jamais", pour le Colonel Liu Mingfu, puisque le but de la Chine est de "devenir le numéro un dans le monde", la version moderne de sa gloire ancienne, une version exemplaire, car "les autres pays doivent apprendre de la Chine- dit Liu Mingfu dans une interview en 2017 au New York Times, mais la Chine a également besoin d'apprendre d'eux. D'une certaine manière, tous les pays sont les professeurs de la Chine!

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Le Colonel Liu Mingfu.

Depuis 1840, la Chine est la meilleure élève du monde. Nous avons analysé la Révolution française ; la dynastie Qing a mené de grandes réformes en suivant l'exemple du Royaume-Uni ; nous avons étudié le marxisme de l'Occident, le léninisme et le stalinisme de l'Union soviétique ; nous avons également regardé de très près l'économie de marché des États-Unis, du Royaume-Uni et de la France. C'est grâce à cette soif d'apprendre que, à terme, la Chine dépassera les États-Unis. Les États-Unis, eux, ne cherchent pas à s'inspirer des autres pays... et surtout pas de la Chine. Ma conviction c'est que les États-Unis manquent d'une grande stratégie et de grands stratèges. J'ai écrit sur ce sujet, de 2017, un livre intitulé "Le Crépuscule de l'hégémonie", qui a d'ailleurs été traduit en anglais. Le New York Times m'a interviewé à ce moment-là. Voici ce que j'ai dit au journaliste qui m'interrogeait." De façon générale, la revendication d'un statut de puissance mondiale de la part de la Chine, s'accompagne, depuis le livre "La Guerre hors limites" des Colonels Quiao et Wang, jusqu'au "Rêve Chinois" du Colonel Liu Mingfu, du sentiment historique d'un "but grandiose", celui d'une grande mission à poursuivre contre un ordre politique international injuste et amoral.

Bruxelles 15 février 2021

Source: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/f-vrier/la-gue...

dimanche, 14 février 2021

Pourquoi la Russie rend l’Occident fou

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Pourquoi la Russie rend l’Occident fou

 
 
par Pepe Escobar
Ex: http://www.zejournal.mobi

Le pivot de Moscou vers l’Asie pour construire la Grande Eurasie a un air d’inévitabilité historique qui met les États-Unis et l’UE à l’épreuve.

Les futurs historiens pourraient l’enregistrer comme le jour où le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, habituellement imperturbable, a décidé qu’il en avait assez :

« Nous nous habituons au fait que l’Union Européenne tente d’imposer des restrictions unilatérales, des restrictions illégitimes et nous partons du principe, à ce stade, que l’Union Européenne est un partenaire peu fiable ».

Josep Borrell, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, en visite officielle à Moscou, a dû faire face aux conséquences.

Lavrov, toujours parfait gentleman, a ajouté : « J’espère que l’examen stratégique qui aura lieu bientôt se concentrera sur les intérêts clés de l’Union Européenne et que ces entretiens contribueront à rendre nos contacts plus constructifs ».

Il faisait référence au sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UE qui se tiendra le mois prochain au Conseil européen, où ils discuteront de la Russie. Lavrov ne se fait pas d’illusions : les « partenaires peu fiables » se comporteront en adultes.

Pourtant, on peut trouver quelque chose d’immensément intrigant dans les remarques préliminaires de Lavrov lors de sa rencontre avec Borrell : « Le principal problème auquel nous sommes tous confrontés est le manque de normalité dans les relations entre la Russie et l’Union Européenne – les deux plus grands acteurs de l’espace eurasiatique. C’est une situation malsaine, qui ne profite à personne ».

Les deux plus grands acteurs de l’espace eurasiatique (mes italiques). Que cela soit clair. Nous y reviendrons dans un instant.

Dans l’état actuel des choses, l’UE semble irrémédiablement accrochée à l’aggravation de la « situation malsaine ». La chef de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait échouer le programme de vaccination de Bruxelles. Elle a envoyé Borrell à Moscou pour demander aux entreprises européennes des droits de licence pour la production du vaccin Spoutnik V – qui sera bientôt approuvé par l’UE.

Et pourtant, les eurocrates préfèrent se plonger dans l’hystérie, en faisant la promotion des bouffonneries de l’agent de l’OTAN et fraudeur condamné Navalny – le Guaido russe.

Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, sous le couvert de la « dissuasion stratégique », le chef du STRATCOM américain, l’amiral Charles Richard, a laissé échapper avec désinvolture qu’il « existe une réelle possibilité qu’une crise régionale avec la Russie ou la Chine puisse rapidement dégénérer en un conflit impliquant des armes nucléaires, si elles percevaient qu’une perte conventionnelle menaçait le régime ou l’État ».

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Ainsi, la responsabilité de la prochaine – et dernière – guerre est déjà attribuée au comportement « déstabilisateur » de la Russie et de la Chine. On suppose qu’elles vont « perdre » – et ensuite, dans un accès de rage, passer au nucléaire. Le Pentagone ne sera qu’une victime ; après tout, affirme STRATCOM, nous ne sommes pas « enlisés dans la Guerre froide ».

Les planificateurs du STRATCOM devraient lire le crack de l’analyse militaire Andrei Martyanov, qui depuis des années est en première ligne pour expliquer en détail comment le nouveau paradigme hypersonique – et non les armes nucléaires – a changé la nature de la guerre.

Après une discussion technique détaillée, Martyanov montre comment « les États-Unis n’ont tout simplement pas de bonnes options actuellement. Aucune. La moins mauvaise option, cependant, est de parler aux Russes et non en termes de balivernes géopolitiques et de rêves humides selon lesquels les États-Unis peuvent, d’une manière ou d’une autre, convaincre la Russie « d’abandonner » la Chine – les États-Unis n’ont rien, zéro, à offrir à la Russie pour le faire. Mais au moins, les Russes et les Américains peuvent enfin régler pacifiquement cette supercherie « d’hégémonie » entre eux, puis convaincre la Chine de s’asseoir à la table des trois grands et de décider enfin comment gérer le monde. C’est la seule chance pour les États-Unis de rester pertinents dans le nouveau monde ».

L’empreinte de la Horde d’Or

Bien que les chances soient négligeables pour que l’Union européenne se ressaisisse sur la « situation malsaine » avec la Russie, rien n’indique que ce que Martyanov a décrit sera pris en compte par l’État profond américain.

La voie à suivre semble inéluctable : sanctions perpétuelles ; expansion perpétuelle de l’OTAN le long des frontières russes ; constitution d’un cercle d’États hostiles autour de la Russie ; ingérence perpétuelle des États-Unis dans les affaires intérieures russes – avec une armée de la cinquième colonne ; la guerre de l’information perpétuelle et à grande échelle.

Lavrov affirme de plus en plus clairement que Moscou n’attend plus rien. Les faits sur le terrain, cependant, continueront de s’accumuler.

Nord Stream 2 sera terminé – sanctions ou pas – et fournira le gaz naturel dont l’Allemagne et l’UE ont tant besoin. Le fraudeur Navalny, qui a été condamné – 1% de « popularité » réelle en Russie – restera en prison. Les citoyens de toute l’UE recevront Spoutnik V. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine continuera de se renforcer.

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à ce gâchis russophobe malsain, une feuille de route essentielle est fournie par le Conservatisme russe, une nouvelle étude passionnante de philosophie politique réalisée par Glenn Diesen, professeur associé à l’Université de la Norvège du Sud-Est, chargé de cours à l’École supérieure d’Économie de Moscou, et l’un de mes éminents interlocuteurs à Moscou.

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Diesen commence en se concentrant sur l’essentiel : la géographie, la topographie et l’histoire. La Russie est une vaste puissance terrestre sans accès suffisant aux mers. La géographie, affirme-t-il, conditionne les fondements des « politiques conservatrices définies par l’autocratie, un concept ambigu et complexe de nationalisme, et le rôle durable de l’Église orthodoxe » – impliquant une résistance au « laïcisme radical ».

Il est toujours crucial de se rappeler que la Russie n’a pas de frontières naturelles défendables ; elle a été envahie ou occupée par les Suédois, les Polonais, les Lituaniens, la Horde d’Or mongole, les Tatars de Crimée et Napoléon. Sans parler de l’invasion nazie, qui a été extrêmement sanglante.

Qu’y a-t-il dans l’étymologie d’un mot ? Tout : « sécurité », en russe, c’est byezopasnost. Il se trouve que c’est une négation, car byez signifie « sans » et opasnost signifie « danger ».

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La composition historique complexe et unique de la Russie a toujours posé de sérieux problèmes. Oui, il y avait une étroite affinité avec l’Empire byzantin. Mais si la Russie « revendiquait le transfert de l’autorité impériale de Constantinople, elle serait forcée de la conquérir ». Et revendiquer le rôle, l’héritage et d’être le successeur de la Horde d’Or reléguerait la Russie au seul statut de puissance asiatique.

Sur la voie de la modernisation de la Russie, l’invasion mongole a non seulement provoqué un schisme géographique, mais a laissé son empreinte sur la politique : « L’autocratie est devenue une nécessité suite à l’héritage mongol et à l’établissement de la Russie comme un empire eurasiatique avec une vaste étendue géographique mal connectée ».

« Un Est-Ouest colossal »

La Russie, c’est la rencontre de l’Est et de l’Ouest. Diesen nous rappelle comment Nikolai Berdyaev, l’un des plus grands conservateurs du XXe siècle, l’avait déjà bien compris en 1947 : « L’incohérence et la complexité de l’âme russe peuvent être dues au fait qu’en Russie, deux courants de l’histoire du monde – l’Est et l’Ouest – se bousculent et s’influencent mutuellement (…) La Russie est une section complète du monde – un Est-Ouest colossal ».

Le Transsibérien, construit pour renforcer la cohésion interne de l’empire russe et pour projeter la puissance en Asie, a changé la donne : « Avec l’expansion des colonies agricoles russes à l’est, la Russie remplace de plus en plus les anciennes routes qui contrôlaient et reliaient auparavant l’Eurasie ».

Il est fascinant de voir comment le développement de l’économie russe a abouti à la théorie du « Heartland » de Mackinder – selon laquelle le contrôle du monde nécessitait le contrôle du supercontinent eurasiatique. Ce qui a terrifié Mackinder, c’est que les chemins de fer russes reliant l’Eurasie allaient saper toute la structure de pouvoir de la Grande-Bretagne en tant qu’empire maritime.

Diesen montre également comment l’Eurasianisme – apparu dans les années 1920 parmi les émigrés en réponse à 1917 – était en fait une évolution du conservatisme russe.

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L’Eurasianisme, pour un certain nombre de raisons, n’est jamais devenu un mouvement politique unifié. Le cœur de l’Eurasianisme est l’idée que la Russie n’était pas un simple État d’Europe de l’Est. Après l’invasion des Mongols au XIIIe siècle et la conquête des royaumes tatars au XVIe siècle, l’histoire et la géographie de la Russie ne pouvaient pas être uniquement européennes. L’avenir exigerait une approche plus équilibrée – et un engagement avec l’Asie.

Dostoïevski l’avait brillamment formulé avant tout le monde, en 1881 :

« Les Russes sont autant asiatiques qu’européens. L’erreur de notre politique au cours des deux derniers siècles a été de faire croire aux citoyens européens que nous sommes de vrais Européens. Nous avons trop bien servi l’Europe, nous avons pris une trop grande part à ses querelles intestines (…) Nous nous sommes inclinés comme des esclaves devant les Européens et n’avons fait que gagner leur haine et leur mépris. Il est temps de se détourner de l’Europe ingrate. Notre avenir est en Asie ».

Lev Gumilev était sans aucun doute la superstar d’une nouvelle génération d’Eurasianistes. Il affirmait que la Russie avait été fondée sur une coalition naturelle entre les Slaves, les Mongols et les Turcs. « The Ancient Rus and the Great Steppe », publié en 1989, a eu un impact immense en Russie après la chute de l’URSS – comme je l’ai appris de mes hôtes russes lorsque je suis arrivé à Moscou via le Transsibérien à l’hiver 1992.

Comme l’explique Diesen, Gumilev proposait une sorte de troisième voie, au-delà du nationalisme européen et de l’internationalisme utopique. Une Université Lev Gumilev a été créée au Kazakhstan. Poutine a qualifié Gumilev de « grand Eurasien de notre temps ».

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Diesen nous rappelle que même George Kennan, en 1994, a reconnu la lutte des conservateurs pour « ce pays tragiquement blessé et spirituellement diminué ». Poutine, en 2005, a été beaucoup plus clair. Il a souligné :

« L’effondrement de l’Union soviétique a été la plus grande catastrophe géopolitique du siècle. Et pour le peuple russe, ce fut un véritable drame (…) Les anciens idéaux ont été détruits. De nombreuses institutions ont été démantelées ou simplement réformées à la hâte. (…) Avec un contrôle illimité sur les flux d’information, les groupes d’oligarques ont servi exclusivement leurs propres intérêts commerciaux. La pauvreté de masse a commencé à être acceptée comme la norme. Tout cela a évolué dans un contexte de récession économique des plus sévères, de finances instables et de paralysie dans la sphère sociale ».

Appliquer la « démocratie souveraine »

Nous arrivons ainsi à la question cruciale de l’Europe.

Dans les années 1990, sous la houlette des atlantistes, la politique étrangère russe était axée sur la Grande Europe, un concept basé sur la Maison européenne commune de Gorbatchev.

Et pourtant, dans la pratique, l’Europe de l’après-Guerre froide a fini par se configurer comme l’expansion ininterrompue de l’OTAN et la naissance – et l’élargissement – de l’UE. Toutes sortes de contorsions libérales ont été déployées pour inclure toute l’Europe tout en excluant la Russie.

Diesen a le mérite de résumer l’ensemble du processus en une seule phrase : « La nouvelle Europe libérale représentait une continuité anglo-américaine en termes de règle des puissances maritimes, et l’objectif de Mackinder d’organiser la relation germano-russe selon un format à somme nulle pour empêcher l’alignement des intérêts ».

Pas étonnant que Poutine, par la suite, ait dû être érigé en épouvantail suprême, ou « en nouvel Hitler ». Poutine a catégoriquement rejeté le rôle pour la Russie de simple apprentie de la civilisation occidentale – et son corollaire, l’hégémonie (néo)libérale.

Il restait néanmoins très accommodant. En 2005, Poutine a souligné que « par-dessus tout, la Russie était, est et sera, bien sûr, une grande puissance européenne ». Ce qu’il voulait, c’était découpler le libéralisme de la politique de puissance – en rejetant les principes fondamentaux de l’hégémonie libérale.

411rXFGcgZL._SX310_BO1,204,203,200_.jpgPoutine disait qu’il n’y a pas de modèle démocratique unique. Cela a finalement été conceptualisé comme une « démocratie souveraine ». La démocratie ne peut pas exister sans souveraineté ; cela implique donc d’écarter la « supervision » de l’Occident pour la faire fonctionner.

Diesen fait remarquer que si l’URSS était un « Eurasianisme radical de gauche, certaines de ses caractéristiques eurasiatiques pourraient être transférées à un Eurasianisme conservateur ». Diesen note comment Sergey Karaganov, parfois appelé le « Kissinger russe », a montré « que l’Union soviétique était au centre de la décolonisation et qu’elle a été l’artisan de l’essor de l’Asie en privant l’Occident de la capacité d’imposer sa volonté au monde par la force militaire, ce que l’Occident a fait du XVIe siècle jusqu’aux années 1940 ».

Ce fait est largement reconnu dans de vastes régions du Sud global – de l’Amérique latine et de l’Afrique à l’Asie du Sud-Est.

La péninsule occidentale de l’Eurasie

Ainsi, après la fin de la Guerre froide et l’échec de la Grande Europe, le pivot de Moscou vers l’Asie pour construire la Grande Eurasie ne pouvait qu’avoir un air d’inévitabilité historique.

La logique est implacable. Les deux pôles géoéconomiques de l’Eurasie sont l’Europe et l’Asie de l’Est. Moscou veut les relier économiquement en un supercontinent : c’est là que la Grande Eurasie rejoint l’Initiative Ceinture et Route chinoise (BRI). Mais il y a aussi la dimension russe supplémentaire, comme le note Diesen : la « transition de la périphérie habituelle de ces centres de pouvoir vers le centre d’une nouvelle construction régionale ».

D’un point de vue conservateur, souligne Diesen, « l’économie politique de la Grande Eurasie permet à la Russie de surmonter son obsession historique pour l’Occident et d’établir une voie russe organique vers la modernisation ».

Cela implique le développement d’industries stratégiques, de corridors de connectivité, d’instruments financiers, de projets d’infrastructure pour relier la Russie européenne à la Sibérie et à la Russie du Pacifique. Tout cela sous un nouveau concept : une économie politique industrialisée et conservatrice.

Le partenariat stratégique Russie-Chine est actif dans ces trois secteurs géoéconomiques : industries stratégiques/plates-formes technologiques, corridors de connectivité et instruments financiers.

Cela propulse la discussion, une fois de plus, vers l’impératif catégorique suprême : la confrontation entre le Heartland et une puissance maritime.

Les trois grandes puissances eurasiatiques, historiquement, étaient les Scythes, les Huns et les Mongols. La raison principale de leur fragmentation et de leur décadence est qu’ils n’ont pas pu atteindre – et contrôler – les frontières maritimes de l’Eurasie.

La quatrième grande puissance eurasiatique était l’empire russe – et son successeur, l’URSS. L’URSS s’est effondrée parce que, encore une fois, elle n’a pas pu atteindre – et contrôler – les frontières maritimes de l’Eurasie.

Les États-Unis l’en ont empêchée en appliquant une combinaison de Mackinder, Mahan et Spykman. La stratégie américaine est même devenue connue sous le nom de mécanisme de confinement Spykman-Kennan – tous ces « déploiements avancés » dans la périphérie maritime de l’Eurasie, en Europe occidentale, en Asie de l’Est et au Moyen-Orient.

Nous savons tous à présent que la stratégie globale des États-Unis en mer – ainsi que la raison principale pour laquelle les États-Unis sont entrés dans la Première et la Seconde Guerre mondiale – était de prévenir l’émergence d’un hégémon eurasiatique par tous les moyens nécessaires.

Quant à l’hégémonie américaine, elle a été conceptualisée de façon grossière – avec l’arrogance impériale requise – par le Dr Zbig « Grand Échiquier » Brzezinski en 1997 : « Pour empêcher la collusion et maintenir la dépendance sécuritaire entre les vassaux, pour garder les affluents souples et protégés, et pour empêcher les barbares de se rassembler ». Le bon vieux « Diviser pour mieux régner », appliqué par le biais de la « domination du système ».

C’est ce système qui est en train de s’effondrer – au grand désespoir des suspects habituels. Diesen (photo) note comment, « dans le passé, pousser la Russie en Asie reléguait la Russie dans l’obscurité économique et éliminait son statut de puissance européenne ». Mais maintenant, avec le déplacement du centre de gravité géoéconomique vers la Chine et l’Asie de l’Est, c’est un tout nouveau jeu.

glenn-disen-e1581866530918.jpgLa diabolisation permanente de la Russie-Chine par les États-Unis, associée à la mentalité de « situation malsaine » des sbires de l’UE, ne fait que rapprocher la Russie de la Chine, au moment même où la domination mondiale de l’Occident, qui dure depuis deux siècles seulement, comme l’a prouvé Andre Gunder Frank, touche à sa fin.

Diesen, peut-être trop diplomatiquement, s’attend à ce que « les relations entre la Russie et l’Occident changent également à terme avec la montée de l’Eurasie. La stratégie hostile de l’Occident à l’égard de la Russie est conditionnée par l’idée que la Russie n’a nulle part où aller et qu’elle doit accepter tout ce que l’Occident lui offre en termes de « partenariat ». La montée de l’Est modifie fondamentalement la relation de Moscou avec l’Occident en permettant à la Russie de diversifier ses partenariats ».

Il se peut que nous approchions rapidement du moment où la Russie de la Grande Eurasie présentera à l’Allemagne une offre à prendre ou à laisser. Soit nous construisons ensemble le Heartland, soit nous le construisons avec la Chine – et vous ne serez qu’un spectateur de l’histoire. Bien sûr, il y a toujours la possibilité d’un axe inter-galaxies Berlin-Moscou-Pékin. Des choses plus surprenantes se sont produites.

En attendant, Diesen est convaincu que « les puissances terrestres eurasiatiques finiront par intégrer l’Europe et d’autres États à la périphérie intérieure de l’Eurasie. Les loyautés politiques se déplaceront progressivement à mesure que les intérêts économiques se tourneront vers l’Est et que l’Europe deviendra progressivement la péninsule occidentale de la Grande Eurasie ».

Voilà qui donne à réfléchir aux colporteurs péninsulaires de la « situation malsaine ».

Traduit par Réseau International

***

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«Qui veut la paix prépare la guerre»: la Russie annonce être prête en cas de rupture des relations avec l'UE

La Russie est prête à rompre ses relations diplomatiques avec l’Union européenne si cette dernière adopte des sanctions créant des risques pour les secteurs sensibles de l‘économie, a déclaré ce vendredi le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, sur la chaîne YouTube Soloviev Live.

« Nous y sommes prêts. [Nous le ferons] si nous voyons, comme nous l’avons senti plus d’une fois, que des sanctions sont imposées dans certains secteurs qui créent des risques pour notre économie, y compris dans des sphères sensibles. Nous ne voulons pas nous isoler de la vie internationale mais il faut s’y préparer. Qui veut la paix prépare la guerre ».

De nouvelles sanctions en vue

Cette semaine, le chef de la diplomatie de l’Union européenne Josep Borrell a annoncé, après sa visite à Moscou, la possibilité de nouvelles sanctions. Il s’est dit préoccupé par les « choix géostratégiques des autorités russes ».

Condamnant les autorités pour avoir emprisonné en janvier l’opposant Alexeï Navalny et les qualifiant de « sans pitié », Josep Borrell a notamment indiqué dans son blog que sa visite avait conforté son opinion selon laquelle « l’Europe et la Russie s’éloignaient petit à petit l’une de l’autre ».

Les propos tenus à Moscou

Lors de sa visite dans la capitale russe du 4 au 6 février, Josep Borrell avait vanté le vaccin Spoutnik V, le qualifiant de « bonne nouvelle pour l’humanité ». Il avait en outre espéré que l’Agence européenne pour les médicaments l’enregistrerait.

Il avait également dit qu’il y avait des domaines dans lesquels la Russie et l’UE pouvaient et devaient coopérer, et que Bruxelles était favorable au dialogue avec Moscou, malgré les difficultés.

Anastassia Verbitskaïa - Sputnik

samedi, 13 février 2021

De Mao au monde multipolaire : l'évolution de la doctrine militaire chinoise

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De Mao au monde multipolaire: l'évolution de la doctrine militaire chinoise

Par Lorenzo Ghigo

Ex : https://geopol.pt

Suite à la crise du modèle international unipolaire et à son énorme croissance économique et technologique, la République populaire de Chine (RPC) est le grand prétendant à l'hégémonie internationale aujourd’hui exercée par les États-Unis. Cette volonté chinoise s’exprime également au niveau militaire. La présence croissante des États-Unis en Asie, la crise persistante à Hong Kong et les relations avec Taïwan ont conduit le gouvernement chinois à abandonner l'isolationnisme qui caractérisait sa politique étrangère au début des années 2000, au profit d'une politique plus affirmée.

La stratégie de la Chine est basée sur la défense et la poursuite des intérêts nationaux, en assurant la sécurité intérieure et extérieure, la souveraineté nationale et le développement économique. Sous le gouvernement de Xi Jinping, le progrès technologique est considéré comme une occasion importante de relancer la nation chinoise et son rôle sur la scène internationale. Au cœur du projet du dirigeant chinois se trouve la création d'un nouvel ordre sinocentrique fondé, au moins formellement, sur des relations d'égalité avec les autres États et visant à la constitution d'"une Asie harmonieuse".

518cB6uGp7L.jpgLa nouvelle doctrine militaire chinoise est à toutes fins utiles une redécouverte et une extension des théories de L'Art de la guerre de Sun Tzu. L'objectif tactique est de conditionner l'esprit et la volonté de l'ennemi dans un cadre stratégique en constante évolution en profitant de situations favorables grâce à divers stratagèmes et tromperies. La pensée militaire chinoise se caractérise par une approche indirecte, il existe chez les Chinois une vision holistique des objectifs qui, contrairement à l'Occident, ne se concentre pas sur une cible spécifique mais sur l'ensemble du système, et le recours à la force doit être utilisé dans le cadre d'une stratégie à long terme en intégrant les sphères militaire et civile, en utilisant la guerre hybride et la cyberguerre dans la conduite des opérations de guerre traditionnelles. L'Armée populaire de libération est en effet en train de développer des capacités opérationnelles et technologiques incroyables dans le cyberespace, non seulement en ce qui concerne l'espionnage et l'acquisition d'informations sensibles, mais aussi en ce qui concerne les attaques sur les infrastructures critiques pendant les conflits armés. La RPC considère le contrôle du cyberespace comme une prérogative essentielle pour affirmer son pouvoir national.

L'armée n'est plus appelée à préparer des guerres menées à grande échelle sur le territoire chinois, mais plutôt des guerres limitées, tant sur le plan de l'entité des objectifs politiques que sur celui de l'intensité de la violence, soit des guerres à mener dans des zones périphériques et circonscrites, principalement des conflits régionaux à forte informatisation.

L'approche maoïste de la guerre semble avoir été définitivement abandonnée, les forces armées sont dépolitisées et, bien que l'influence du parti communiste chinois soit encore forte, on ne peut plus parler d'une armée populaire, mais d'une armée d’élite spécialisée et professionnelle dans les opérations militaires. De plus, en consolidant ses frontières, la Chine a renoncé à une défense stratégique en profondeur, en utilisant une stratégie de projection de forces sur les mers, et d'influence politique dans d’autres pays asiatiques.

Le texte Unristricted Warfare publié par les colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui a apporté une contribution notable à la nouvelle doctrine stratégique de la RPC. Cet ouvrage, qui dans l'édition américaine prend le sous-titre de China's Master Plan to Destroy America, prescrit les règles et les stratégies de conduite des conflits contemporains dans le but de défendre les intérêts nationaux en exploitant les nouvelles possibilités offertes par la mondialisation et l'évolution technologique. Le concept de guerre sans restriction prévoit une multiplication de nouveaux types d'armes et que chaque endroit peut devenir un champ de bataille. L'armée, pour faire face aux nouveaux conflits, doit mener des batailles adaptées à ses armes et adapter ses armes à la nouvelle bataille.

Dans le manuel Zhànlüè xué (Science de la stratégie), compilé par le département de recherche stratégique de l'Académie des sciences militaires, il est affirmé que "les champs de bataille sur terre, sur mer, dans les airs, dans l'espace extra-atmosphérique, dans l'espace électromagnétique ne font qu'un ; les combats et les opérations sur chaque champ de bataille sont des conditions pour les combats et les opérations sur les autres".

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Cette vision est basée sur des actions de guerre hybride, qui impliquent non seulement des capacités militaires mais aussi l'application d'un concept holistique de défense nationale par la coopération des secteurs civil et militaire. Les stratèges chinois développent également la doctrine Shashou Jian ("club de fer"), qui vise à dominer l'espace physique et cybernétique en désarmant l'ennemi et en l'empêchant d'être une menace pour l'intérêt national. Ce concept repose sur la nécessité de développer une capacité militaire capable de désarmer l'adversaire avant qu'il ne puisse frapper. L'utilisation d'armes hautement technologiques, de missiles, de cyberarmes, de bombes intelligentes, de drones, est finalisée pour annuler la puissance de feu ennemie.

Toujours à la lumière des conséquences dramatiques de la récente pandémie, la Chine doit se préparer à un scénario international incertain et indéterminé, caractérisé par de nouveaux types de conflits, de nouvelles menaces, de nouvelles technologies, de nouveaux champs de bataille et de nouvelles stratégies.

Publié à l'origine dans Osservatorio Globalizzazione

L'Iran, Biden sur les traces de Trump, pas d'Obama

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L'Iran, Biden sur les traces de Trump, pas d'Obama

par Alberto Negri

Sources : Il Manifesto et https://www.ariannaeditrice.it

Dans une interview télévisée, le nouveau président confirme les mesures restrictives contre Téhéran, voulues par Trump. Elles demeureront donc. Après tout, Biden a été un ardent exportateur de "démocratie" pour qui la République islamique reste le sacrifice à offrir aux Saoudiens et aux Israéliens.

Aux prises avec l'Iran, et aussi avec la Chine et la Russie (le dossier le plus épineux des affaires étrangères), Biden confirme l'ordre du jour de Trump et prend même un peu de recul par rapport à Obama. Sa recette est la suivante : d'abord, l'habituel double standard du pacte d'Abraham, hérité du tycoon malgré sa seconde mise en accusation. Nous verrons très bientôt le suite.

Dans l’échange qui a eu lieu avec le Guide suprême Khamenei, qui a demandé la levée, au moins partielle, des sanctions avant de négocier sur le nucléaire, le nouveau président américain n'a pas hésité : il a choisi de dire "non" et durement.

La médiation européenne avancée par l'omniprésent Macron semble hésitante et encore à venir. Hésitante parce que la France, qui dans ses investissements a écarté le Qatar, sponsor des Frères musulmans, au profit des Saoudiens, était la puissance européenne qui en 2015, précisément à cause de ses affaires en cours avec Riyad, a soulevé les plus grandes objections à l'accord américain avec l'Iran : il suffit de demander à Mogherini et à Zarif des informations sur les négociations qui se tinrent à l'époque.

La substance est toujours la même : les Européens vendent des armes à Israël, aux Emirats, aux Saoudiens, au Qatar, à l'Egypte et à la Turquie, et non à l'Iran des ayatollahs. Ils sont donc des membres non déclarés mais super actifs du Pacte d'Abraham et de l'"OTAN arabe" avec les États-Unis, Israël, les Émirats, Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

Sans oublier qu'Israël vient de rejoindre le CentCom (Commandement central) avec les Arabes, c’est-à-dire le commandement militaire américain au Moyen-Orient. Avec son inclusion dans le CentCom et le déploiement d'Iron Dome sur des bases américaines, Israël devient une autorité déléguée que Washington utilisera pour gérer la région, même à distance.

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C'est pourquoi le sénateur Renzi, à qui l'on attribue des ambitions car il vise le poste de secrétaire général de l'OTAN, clame que Mohammed bin Salman est comme Laurent le Magnifique, le prince héritier d'une nouvelle renaissance dans les sables de la péninsule arabique, où, toutefois, les journalistes sont littéralement taillés en pièces et les opposants pourrissent en prison.

Nous aimerions savoir, un jour, ce que Draghi en pense. Mais nous le soupçonnons déjà : avec l'élection de Biden, la "fenêtre américaine" s'est ouverte en novembre et le bulldozer Renzi, à commencer par l'attentat contre la délégation de services aux mains de Conte, a ouvert la voie au "sauveur de l'euro", très estimé par l'establishment américain où il a été l'élève de Stanley Fisher, ancien député de la Fed et ancien directeur de la Banque centrale d'Israël.

Les Iraniens ne peuvent pas mordre à l'hameçon que constituent les propos doucereux de Biden qui se distancie de la guerre saoudienne et émiratie au Yémen et retire les Houthis de la liste noire des groupes terroristes. A Téhéran, ils se penchent sur le fond et lors de la prochaine élection présidentielle, si les choses restent en l'état, on peut imaginer que l'aile la plus dure de la République islamique pourrait prendre le dessus sur des modérés comme le président sortant Hassan Rohani.

L'année dernière, les Américains et les Israéliens ont éliminé un de leurs généraux, Qassem Soleimani, et un éminent scientifique comme Mohsen Fakrizadeh. Les États-Unis et l'État juif n'ont jamais cessé de bombarder les Pasdaran iraniens en Syrie et sont prêts à brouiller encore les eaux libanaises déjà passablement boueuses pour porter quelques coupssupplémentaires aux alliés du Hezbollah pro-iranien qu'ils voudraient expulser du Levant et du Moyen-Orient.

Sans compter que les États-Unis, dans la panoplie de leurs sanctions et par l'embargo pétrolier sur Téhéran, continuent à maintenir des dizaines de milliards de dollars gelés sur les comptes étrangers de l'Iran, au point d'empêcher la République islamique de négocier récemment un approvisionnement en vaccins anti-Covid avec la Corée du Sud.

Mais les Etats-Unis, insiste M. Biden, sont une démocratie et l'Iran n’en est pas une, donc ils peuvent punir qui ils veulent, comme ils veulent. Un argument un peu brutal, car la façade démocratique brillante des États-Unis a certainement été ternie par l'assaut contre le vénérable bâtiment du Congrès.

Mais Biden est un exportateur convaincu de la démocratie américaine, ce n'est pas pour rien qu'il a voté en 2003 en faveur de l'attaque contre l'Irak et qu'il s'est maintenant lancé dans d’agressives diatribes contre la Russie de Poutine sous prétexte de l'affaire Navalny.

Biden est un peu moins virulent contre la Chine car avec Xi Jinping, qu'il connaît bien, il est convaincu de s'entendre alors que les banques d'investissement de Wall Street, qui l'ont soutenu dans la campagne électorale, débarquent en force à Pékin. Bref, chacun a ses propres banquiers, qui ont très souvent travaillé pour le même maître.

Il est dommage que le visage démocratique de Biden, si impétueux avec l'Iran des ayatollahs, disparaisse lorsqu'il s'agit d'examiner les relations avec les satrapes du Golfe, les monarchies absolues et les ennemis des droits de l'homme, ou les dictateurs comme Al Sissi qui reçoit l'aide militaire américaine et peut faire ce qu'il veut sans la moindre objection de Washington.

Le gel temporaire des fournitures militaires américaines à Riyad vise en fait non pas tant à montrer que les États-Unis ont l'intention de s'entendre avec Téhéran qu'à convaincre les Saoudiens d'accélérer la reconnaissance d'Israël et, par suite logique, d'adhérer au Pacte d'Abraham. Puis la boucle sera bouclée avec la célébration du sanguinaire Laurent le Magnifique, Prince des sables.

 

vendredi, 12 février 2021

L'immaturité de la diplomatie européenne

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L'immaturité de la diplomatie européenne

Par Ricardo Teixeira da Costa

Ex : https://geopol.pt

L'Union européenne a une fois de plus fait preuve de son immaturité diplomatique, et mis en évidence ses maillons faibles, en déclarant hier à l'unisson trois diplomates russes personae non grata.

Après le premier voyage désastreux de Josep Borrell à Moscou, où il s'est révélé être un bien piètre diplomate face au colossal Lavrov, l'Allemagne, la Pologne et la Suède ont décidé de prendre une revanche digne d’un jardin d’enfant et ont retiré les lettres de créance de trois diplomates russes de leurs territoires.

Sans invoquer aucune raison juridique pour de telles décisions, démontrant que leur diplomatie est guidée par des instincts risibles et non par des critères rationnels, ils ont même précisé que l'action était coordonnée entre les trois et obéissait au principe de réciprocité, en représailles à une décision "similaire" de Moscou quelques jours plus tôt.

Moscou n'a pas retiré ses lettres de créance suite à un déchaînement d'émotions, mais parce que les diplomates européens en question étaient impliqués dans des activités illégales sur son territoire. Mais l'UE, qui ressemble de plus en plus aux États-Unis, ne connaît pas le principe de non-intervention. Elle suppose qu'elle peut agir sur le territoire russe comme elle ne l'admettrait jamais sur le sien.

Peut-on imaginer la réaction de Berlin si des diplomates russes devaient participer à des manifestations de rue non autorisées contre Mme Merkel ? Eh bien, renversons les événements, soyons honnêtes et regardons l'énorme hypocrisie que révèle ce feuilleton, dont le seul motif est un citoyen russe condamné par la justice russe pour fraude et corruption sur le territoire russe.

Qu'implique donc toute cette escalade perpétrée par des technocrates bruxellois et par la presse occidentale à l'heure actuelle ? Je suppose qu'il s'agit d'une escalade délibérée dans certains secteurs, et qu'elle sert d'entrée en matière pour le Conseil européen de mars, au cours duquel les dirigeants de l'UE jetteront les bases de leurs futures relations avec la Russie. Nous savons que la question énergétique, l'Ukraine et le Belarus sont des points chauds et qu'il y a des intérêts majeurs à boycotter un accord entre l'Europe occidentale et le géant eurasien.

Étant donné que, de l'autre côté de l'Atlantique, la nouvelle administration progressiste a déjà fait savoir qu'elle "n'hésitera pas à augmenter les coûts pour la Russie", il faut s'attendre à ce que l'UE soit incitée à se tourner vers Joe Biden, où les nostalgiques des années Obama et de son humanitarisme mondial ne manqueront pas, comme en témoignent le coup d'État en Ukraine et les bombardements en Afghanistan, en Irak, au Yémen, en Syrie, en Libye, en Somalie et au Pakistan, ainsi que les vagues de réfugiés qui en ont résulté. Est-ce là ce qu'ils veulent pour l'Europe dans le monde ?

En tant que Portugais, et avec notre influence limitée, il est souhaitable que nous fassions savoir clairement que nous insistons sur la voie diplomatique et que nous croyons en la bonne foi de nos collègues à l'autre bout du continent, notamment parce que l'Europe n'est pas seulement une réalité géographique, mais surtout une réalité civilisationnelle, et que la compréhension entre l'Est et l'Ouest est une nécessité et n'est qu'une question de temps.

mercredi, 10 février 2021

Le monde change, la diplomatie s'adapte

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Le monde change, la diplomatie s'adapte

Une discussion avec les experts de l'IERI et d'IMEMO RAS a eu lieu en Belgique dans le cadre des "Points de contact"

Quelques jours avant la Journée des diplomates russes, le Centre russe de Bruxelles a organisé ce 4 février une discussion intitulée « Les défis de la diplomatie au XXIe siècle » dans le cadre du projet « Точка соприкосновения » (« Totchka soprikosnovenia », littéralement « point de contact »). Plusieurs spécialistes ont participé à cette discussion, dont Irnerio Seminatore, président de l’IERI (l’Institut européen des relations internationales de Bruxelles) et Sergueï Outkine, chef du groupe d’évaluation stratégique et directeur de recherches du Centre d’analyse situationnelle de l’IMEMO (l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales) E. M. Primakov de l’Académie des sciences de Russie.

Vera Bounina, directrice du Centre russe de Bruxelles, a ouvert la discussion. Dans son discours, elle a parlé des origines de la Journée des diplomates russes et a souligné les dates importantes de l’histoire de la diplomatie russe. La Journée des diplomates, qui est célébrée en Russie le 10 février depuis le décret présidentiel de 2002, « témoigne de la grande reconnaissance de la profession de diplomate ». Vera Bounina a également rappelé que l’école diplomatique russe est reconnue dans le monde entier et que beaucoup de brillants diplomates, d’actuels ministres de différents pays et de présidents de gouvernements étrangers sont diplômés de l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou auprès des Affaires étrangères de la Fédération de Russie et de l’Académie diplomatique du ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie.

Les spécialistes ont discuté des systèmes internationaux et de la fonction de la diplomatie, de la numérisation des relations internationales et des nouvelles sphères que les diplomates doivent maîtriser. Ils ont également discuté du moment opportun pour ouvrir un compte sur TikTok et du développement de leurs connaissances sur l’agenda climatique et le développement durable, des solutions pour survivre à l’époque de la guerre du numérique, de la « diplomatie publique », de Greta Thunberg, de la visite de Josep Borrell en Russie, et de bien d’autres sujets.

Irnerio Seminatore a donné un aperçu du développement de la diplomatie du point de vue des relations internationales et des intérêts nationaux. En parlant de la relation entre la diplomatie et la politique, il a rappelé que « un bon diplomate aide à prendre des décisions politiques, qui seront approuvées par les hommes politiques ». 

Le rapport de Irnerio Seminatore se trouve ci-dessous.

Sergueï Outkine a présenté les nouveaux défis auxquels la diplomatie est confrontée : la numérisation de notre espace, le besoin de nouvelles compétences pour les diplomates, la « transparence » de l’environnement diplomatique et de l’accès aux données, le rôle changeant des chefs d’Etat, qui deviennent des ministres des Affaires étrangères à part entière au vu de leur agenda international actif, ainsi que le nombre grandissant de négociations internationales et de rencontres au sommet. Sergueï Outkine a souligné « le monde change, mais la diplomatie s’adapte à ces changements. » 

En étudiant l’avenir des relations entre la Russie et l’Europe, Irnerio Seminatore a conclu que l’Europe et tous les pays indépendants de l’Europe occidentale sont intéressés par la possibilité de réaliser l’autonomie stratégique et l’indépendance politique du continent, ce qui est possible grâce à l’implication de la Russie dans ce processus.

Vera Bounina a remercié tous les participants pour cette intéressante discussion et pour la participation du public. Elle a ensuite paraphrasé les mots du patron de la diplomatie russe, le Prince Alexandre Nevski, dont nous célébrons le 200èmeanniversaire cette année : « La diplomatie non pas dans la force, mais dans la vérité ». Elle souhaité à tous de réussir dans leurs projets et a de nouveau souhaité une bonne fête à toutes les personnes concernées par la Journée des diplomates.

Le thème de cette discussion s’est révélé très populaire et a attiré un grand nombre de participants. De nombreuses personnes de Belgique et d’autres pays européens ont participé à cette discussion. Une interprétation simultanée, nouveauté importante, a été mise en place lors de cette réunion. Les événements du Centre russe sont désormais plus accessibles.

Vous pouvez visionner l’enregistrement de la réunion sur le site du Centre russe. Nous avons hâte de vous retrouver lors d’autres événements du Centre russe.